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contraire à celui qu’elle se serait proposé. Un dissentiment entre les évêques est à quelques égards regrettable ; c’est là cependant une condition de la vie dans la liberté, et la soumission à une règle venue du dehors risquerait d’avoir des conséquences plus regrettables encore, parce que, si elle unissait les catholiques, ce qui même n’est pas certain, elle mettrait la division tout autour d’eux et les isolerait. Or ils ont besoin, à peu près partout, du concours des » libéraux et des honnêtes gens de tous les partis. »

Nous empruntons ces termes à Mgr Turinaz. Les journaux ont fait connaître ce qu’on en pense à Rome. On ne les y a pas désapprouvés ; on s’est contenté de dire qu’un appel spécial aux « libéraux » n’était pas indispensable, les libéraux étant déjà compris dans les « honnêtes gens de tous les partis. » Mais cela n’est pas bien sûr, et cette réserve, qui y a été faite, montre seulement qu’à Rome les mots de liberté et de libéral ne sont pas ceux qui plaisent le plus. Si nous avions une crainte à exprimer, ce serait plutôt au sujet de la convenance des mots : « les honnêtes gens de tous les partis. » Nous nous rappelons un temps où un parti n’a pas tiré grand avantage de s’être intitulé celui des honnêtes gens : il y a heureusement des honnêtes gens partout, et on peut blesser ceux qu’on a l’air d’exclure. Au surplus, ce sont là des détails sur lesquels il n’y a pas lieu d’insister. Les termes dont s’est servi Mgr Turinaz n’ont soulevé aucune protestation. On s’est contenté de voir dans l’initiative qu’il a prise le désir de constituer, non pas un parti catholique spécifique, mais une union d’hommes empruntés à tous les partis. La tendance de Mgr Germain est différente ; nous disons sa tendance, parce qu’il a protesté contre quelques-unes des conséquences qu’on a tirées de son projet. Il semble bien, cependant, avoir eu l’intention de constituer un parti catholique qui marcherait à la bataille politique sous la direction de ses pasteurs, et, à supposer que ce soit vraiment là son dessein, il est impossible de ne pas dire que, dans les circonstances actuelles, l’application en serait périlleuse. Si elle ne l’est pas dans le diocèse de Toulouse, c’est que la situation de ce diocèse est très exceptionnelle. Dans la grande majorité du pays, un parti qui irait aux élections sous la seule bannière catholique, portée par les curés et par les évêques, froisserait des susceptibilités très vives et courrait à un échec certain. La politique, chez nous, doit être chose purement laïque : c’est sur le terrain de la laïcité et de la liberté, en invoquant le droit commun qui leur appartient comme à tout le monde, que les catholiques ont chance de combattre utilement. La majorité des évêques l’ont compris, car