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groupemens, un des plus considérables est l’Église, rendue à la liberté par sa séparation d’avec l’État. Elle commence à s’agiter à la recherche du meilleur usage qu’elle peut faire de cette liberté. Est-ce de constituer les catholiques en parti, à l’imitation de ce qui s’est fait ailleurs ? N’est-ce pas plutôt de prendre comme ils sont les partis déjà existans et d’appuyer ceux de leurs adhérens qui tiennent à la liberté de conscience sous toutes ses formes et se montrent fermement résolus à la défendre ? Il y a là deux systèmes différens, dont chacun peut être bon suivant les temps et les lieux, mais aussi peut être mauvais, et ce n’est pas un motif, parce qu’un de ces systèmes a réussi quelque part, pour l’appliquer partout. On sait, par exemple, ce qu’a fait le parti catholique en Allemagne, sous la direction de chefs habiles et énergiques ; son histoire est inséparable de celle de l’Empire ; il a fait reculer Bismarck et a gardé son indépendance à l’égard des gouvernemens successifs. Mais on se tromperait fort si on croyait que le même système d’action peut être importé en France et qu’il y obtiendrait le même succès. A chaque pays convient une tactique particulière : et même, dans un pays déterminé, il peut y avoir intérêt à appliquer, suivant les endroits, une tactique différente. Il semble toutefois que, en France, l’homogénéité du pays conseille d’en adopter une seule et d’en faire la règle générale.

Ces réflexions nous sont inspirées par la polémique, — il faut bien employer ce mot, — qui s’est élevée entre Mgr Germain, évêque de Toulouse, et Mgr Turinaz, évêque de Nancy, au sujet de la meilleure organisation à adopter. Elle a été vive et n’est probablement pas finie Nous ne rechercherons pas, ce n’est pas notre affaire, si elle a toujours été inspirée par la charité évangélique ; mais il n’est pas douteux que les deux prélats ont poursuivi avec un zèle égal ce qu’ils considèrent comme le bien de l’Église. Faut-il regretter qu’ils ne soient pas d’accord ? Faut-il leur conseiller de se tourner au plus vite vers Rome et de solliciter une parole du Saint-Père devant laquelle ils s’inclineraient ? Non. Il ne s’agit pas ici d’un point de doctrine, ni même d’une question de discipline, mais d’un de ces problèmes d’ordre politique et électoral que la parole divine n’a pas soustraits aux disputes des hommes, et qu’il serait dangereux de vouloir leur enlever. Si un conseil venait de Rome à ce sujet, la plupart des catholiques s’y soumettraient peut-être ; mais les catholiques, en tant que tels, ne sont pas la majorité électorale, ou du moins ils ne sont la majorité que dans un très petit nombre de circonscriptions : dans toutes les autres, une intervention de ce genre produirait un résultat