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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




L’association et le syndicalisme semblent devoir être à bref délai les deux pôles du monde moderne ; le mouvement qui porte les citoyens à s’associer et les ouvriers à se syndiquer est si rapide qu’on se demande, en présence de toutes ces forces qui s’organisent, ce que deviendra bientôt celle de l’État. L’État et le gouvernement qui le représente ne sont forts, en effet, que par une organisation dont ils avaient jusqu’ici le monopole. Les forces numériques dont ils disposent sont faibles, si on les compare à celles de la multitude des citoyens ; mais, en fait, elles ont été prépondérantes dans le passé parce que les citoyens étaient dispersés et sans cohésion entre eux, tandis que le gouvernement était une association de fonctionnaires. Ceux-ci étaient organisés, hiérarchisés, disciplinés, et obéissaient à des chefs qui, par cela même, étaient très puissans. Il semble que l’avenir doive être différent. Les fonctionnaires continuent bien d’être une association, mais cette association vise à devenir indépendante, avec des lois, des règles, enfin un statut pour les personnes qu’elle se donnera à elle-même, et qu’elle imposera à l’État découronné. C’est à cela que nous marchons à grands pas. Les fautes et les négligences des uns, l’audace grandissante des autres, les transformations profondes qui se multiplient autour de nous, tout nous pousse dans le même sens. Le gouvernement, débordé, ne sait que dire, ou du moins ne sait que faire : il hésite et tâtonne. En attendant, le mouvement se précipite, et le Comité d’études des associations de fonctionnaires vient de s’ériger en Fédération nationale.

Un fait pareil mérite plus d’attention que beaucoup d’autres dont on s’occupe davantage. Il est d’ailleurs parfaitement logique et devait se produire un peu plus tôt ou un peu plus tard. L’État, aujourd’hui, n’a plus foi en lui-même ; il se laisse discuter, attaquer, entamer de