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Saint-André, où s’épanouissent l’art roman et l’art gothique du XIe au XVe siècle, ce siècle qui vit aussi, dans la capitale de la Guyenne, le triomphe de l’Église de plus en plus puissante, plus étroitement que jamais unie à la vie de la cité. Alors le chanoine Vital de Carle fonde l’hôpital Saint-André ; sous l’archevêque Pey-Berland, s’organise l’Université bordelaise. Les deux chapitres ornent avec une profusion inouïe l’intérieur de Saint-Seurin et de Saint-André. C’est l’époque des chapelles luxueuses, aimables et fleuries, consacrées à la Vierge : le type le plus parfait est, à Saint-Seurin, la chapelle de Notre-Dame de la Rose, écrit M. Paul Courteault, l’historiographe de Bordeaux à travers les siècles[1], qui a consacré un savant travail, beaucoup plus complet, plus précis, plus solide que tout ce qui avait été fait jusqu’ici pour glorifier le passé de Bordeaux.

« Beau prince autant qu’il y en eust au monde, » les chroniqueurs, les ambassadeurs, les contemporains le répètent à l’envi en parlant de François Ier[2]. Lorsque, peu de jours après la mort de Louis XII, il fit à Paris son entrée solennelle, l’ambassadeur de Marguerite d’Autriche, décrivant toutes les somptuosités du cortège, ajoutait : « Après, le Roy armé sur son cheval bardé, tout accoustré en blanc et en toile d’argent, et ne se tenoit point dessous le pale (le dais), mais faisoit rage sur son cheval qu’estoit toujours en l’air et le faisoit bon voir et y avoit tout plain de bons chevaux et de bons chevaucheurs, qui faisoient merveilles à ce monstrer devant les dames[3]. »

C’est le roi chevalier portant beau, de haute taille et d’une allure élégante avec un peu d’affectation, tel qu’il se présente dans certaines miniatures, tantôt revêtu de la robe aux fleurs de lys, tantôt d’un pourpoint de soie blanche, brodée de perles et ornée de joyaux, ou d’un vêtement rouge, or et vert bordé de fourrure, tantôt à cheval, avec la belle armure ciselée et rehaussée. d’or que l’on connaît, brave, passionné pour la lutte, la chasse, les apertises d’armes, recherchant la guerre, grand dans la victoire et dans la défaite, caracolant dans les tournois ou faisant le galant avec les dames qui inspiraient sa poésie ; aimant à charmer sa Cour en parlant politique, art, littérature, sciences ; le Roi plein du sentiment de l’honneur, sans la vertu, comme on l’entendait alors, incapable de se posséder, inconstant, égoïste et insaisissable, et qui semble se jouer au milieu des difficultés les plus graves, comme si la devise de ses armes, la Salamandre au milieu des flammes, « Nutrisco et exstinguo, je m’en nourris et je les éteins, » était

  1. Féret et fils, Bordeaux.
  2. Boivin.
  3. Voyez l’Histoire de France, publiée sous la direction de M. Ernest Lavisse (Hachette).