Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/945

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Elle apparaît ici dans sa grandeur et sa beauté hiératiques, et telle que le savant voyageur la vit au début du règne d’Ismaïl Pacha, quand Auguste Mariette vivait retiré dans son musée de Boulak, aujourd’hui disparu ; alors qu’une excursion au Serapeum de Memphis récemment découvert, à travers les steppes de l’Amenti, ou un voyage dans la Haute-Egypte gardaient le caractère d’une sorte de pèlerinage sacré : un passé de plusieurs centaines de siècles renaissait à la lumière qui pénétrait pour la première fois les hypogées et éclairait le Livre des Morts, — cette curieuse confession négative à Osiris, — et les papyrus des dynasties millénaires.

Mais si l’on veut une sensation exacte de l’Egypte d’hier et d’aujourd’hui[1]où se heurtent deux civilisations extrêmes et exclusives, — les chats liturgiques et les dogues anglais, — les voir surgir l’une et l’autre sous l’éblouissement de la lumière ardente et dans la transparence de l’atmosphère où flambent ses couleurs éclatantes et vibrent ses ombres si chaudes, qui s’opposent et se mêlent dans une exquise harmonie, on la trouvera en admirant les quarante-quatre planches en couleurs d’après les aquarelles de M. Walter Tyndale. Le choix des sujets, la vérité du sentiment et la merveilleuse intensité de coloris avec lesquelles il les a rendus, sont d’un artiste de grand talent. Tout lui est une occasion de célébrer les formes et les couleurs. Qu’il parcoure les villes mortes, les temples et les hypogées, avec leurs doubles, « ces anges gardiens ; » qu’il nous montre le Ramesseum, les Colosses, les Pharaons memphites, baignés d’aurores roses et comme aériennes, Khnum, Kepr, Ra, dans la Tombe de Séti Ier à Thèbes ; Louqsor, le Temple de Ramsès III à Médinet-Habu ; qu’il nous promène dans le Vieux-Caire, au hasard des rues, en nous faisant voir El-Gamalyeh, l’intérieur de la Mosquée Bleue, — on ne peut se lasser de regarder ses peintures en écoutant ses intéressans récits.

Partout le temps a fait son œuvre, ruinant ou détruisant les cités antiques et comme tant d’autres avant elles, après Thèbes et Memphis les Villes de l’Afrique du Nord[2], la Carthage punique et la Carthage romaine. Les plus célèbres de celles qui demeurent se transforment sous la poussée et selon les nécessités des générations modernes. Paris et Rome même, les deux plus illustres, les deux capitales aux Sept Collines, ne sont pas épargnées. Et cependant, ceux qui luttent pour assurer la conservation des vestiges des siècles, préserver et maintenir les témoins de son histoire, les édifices qui sont sa gloire et

  1. Hachette.
  2. Henri Laurens.