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Paul qui, en choisissant la robe de bure du Franciscain, la robe grise des Sœurs de charité, devenues aujourd’hui un costume d’un autre âge, avaient voulu tout simplement prescrire pour les deux sexes le vêtement du peuple au XIIIe et au XVIIe siècle ? Pour arriver plus facilement à ce peuple, ne conviendrait-il pas de s’habiller comme lui ?

Par ailleurs, l’autre thèse, la thèse de la tradition a pour elle des argumens de marque. Sans doute l’habit ne fait pas le moine, mais, pour les religieuses surtout, pour elles et pour ceux qui les regardent passer, il est l’enseigne, on pourrait dire le drapeau de leur ordre, un signe sensible et comme un mémorial de leurs vœux, de leurs vertus et de leurs bienfaits, un appel incessant au respect des autres et d’elles-mêmes. L’accoutumance les amène assez vite à le considérer comme une partie intégrante de leur vocation. Le public à son tour, — je ne parle pas ici des accoutremens excentriques, — serait un peu déconcerté de les voir autrement. Qu’on regarde flotter au front de la Sœur de charité ces deux ailes d’ange qui se balancent sur sa cornette, qu’on aperçoive la mise plus simple, mais plus sévère encore, de la petite Sœur des pauvres, on a tout de suite l’apparition de douces et pures existences consacrées tout entières par amour de Dieu au service du prochain. Le vêtement civil peut abriter autant de dévouement et autant de vertus, mais il parle moins éloquemment à celui qui le voit et à celui qui le porte.

La question, dont il faut abandonner la solution à la sagesse de l’Eglise, était encore trop récente au début de la Révolution pour être tranchée dans le sens de l’abandon de l’habit religieux. L’évêque de Clermont, M. de Bonal, avait déclaré à la tribune de la Constituante qu’il ne quitterait sa soutane qu’avec la vie. Quel scandale n’avait point causé, en 1765, le manifeste des Bénédictins de Saint-Germain des Prés contre le costume de leur ordre ! Ce ne sont point les religieuses qui auraient pris une telle initiative. Leur attitude au cours de la Révolution le prouve. Le décret de la Constituante rendait facultatif le port de l’habit religieux. Des administrations, dépassant la pensée du législateur, voulurent y voir une défense et signifièrent aux intéressés d’avoir à le quitter.

Les religieuses ne pouvaient apporter un grand empressement à en changer. Il faudra pourtant y venir, malgré leur répugnance, si elles veulent avoir la paix et se maintenir dans les