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On peut ranger en trois classes les communautés de femmes avant la Révolution et même depuis : les unes, plus contemplatives, vouées plus particulièrement à une vie de méditation et de prière ; d’autres, joignant à leurs exercices de piété la grande mission de l’enseignement ; les autres enfin, s’occupant spécialement de charité et d’œuvres hospitalières.

La cause de la première catégorie était plus difficile à plaider auprès de l’Assemblée nationale, et même de l’opinion publique bien peu préoccupée d’ascétisme en cette fin du XVIIIe siècle. Aussi les Carmélites ne s’avisent pas d’entretenir Treilhard, Mirabeau, ni même Talleyrand ou Sieyès, des châteaux de l’âme de sainte Thérèse, ni des questions de haute mysticité familières à leur institut, et qui avaient entretenu une polémique immortelle entre Bossuet et Fénelon. Une vie faite tout entière d’immolation, de contemplation, de prière, ne pouvait être comprise d’une époque qui prétendait ramener le paradis sur terre, qui ne voulait travailler que pour les hommes avec les hommes, qui ne parlait que de raison, de nature, de régénération politique et sociale.

Les Visitandines, qui occupaient en France cent quarante-six monastères, chiffre considérable, sont plus à l’aise que les Carmélites pour parler à la Constituante. Elles signalent sans doute les moyens de sanctification qu’elles offrent aux personnes du monde dans un ordre moins rigoureux que bien d’autres, la tranquille retraite que les veuves peuvent trouver dans leur asile. Mais elles insistent plus encore sur le service qu’elles rendent à l’éducation publique par leurs nombreux pensionnats. Celles de Nancy se flattent même de « former des citoyennes. »

L’éducation, voilà la grande mission qu’on peut surtout, en 1789, confier ou plutôt maintenir aux religieuses comme aux religieux. Voilà le grand service qu’elles peuvent rendre à la nation, et qui peut les sauver elles-mêmes. De nos jours, c’est pour avoir été enseignantes que les communautés ont été proscrites par un Etat jaloux de son influence, avide de monopole, impatient de marquer de son empreinte, d’élever d’après son idéal toutes les générations. La Révolution connaîtra ces ambitions. Sa pensée évoluera de 1789 à 1792. Mais pour le moment, sur ce point, elle n’est pas hostile à l’intervention du clergé. Elle est d’ailleurs plus préoccupée de questions politiques et sociales que de questions pédagogiques. L’action de l’Eglise et