Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/890

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

civique. Les Dominicaines de Paris déclarent qu’elles ont cherché à être utiles, « persuadées de ce principe que, pour être religieuses, on ne cesse pas d’être citoyennes, de prendre un vif intérêt à tout ce qui regarde l’État. » Les Augustines de Toulouse écrivent : « Nous n’avons pas, en quittant le monde, perdu les sentimens de vraies citoyennes. » Citoyennes elles sont, citoyennes sont leurs élèves. « Nous enseignons gratuitement tous les jours, disent les Ursulines du diocèse de Langres, plus de 250 citoyennes de la ville. » Dans la bouche des religieuses de Notre-Dame, à Saint-Junien, les écolières sont aussi de « jeunes citoyennes. » Ne sourions pas ; l’instinct de la conservation est toujours puissant. Ces expressions naïves, ces tentatives de langage civique nous rappellent que nous sommes en 89. Les religieuses de Notre-Dame, établies à Ligny, parlent même de l’Être suprême.


III

Mais ce ne sont pas ces formules qui pourront les sauver. A une époque qui voulait tout régénérer, tout rebâtir sur d’autres plans, et débarrasser l’Etat des institutions surannées, il fallait montrer qu’on pouvait entrer sans détonner dans l’organisation nouvelle, et surtout qu’on pouvait être utile. Les religieuses de tous ordres ont affirmé avec une énergie singulière qu’elles étaient heureuses dans leur état. Il s’agissait de prouver à des esprits prévenus que cet état pouvait aussi contribuer au bonheur des autres. Chacun de ces ordres, qui prêche l’humilité aux religieuses en particulier, qui leur recommande d’ignorer leur mérite, est amené à faire l’exposé, nous allions dire l’étalage de ses bienfaits. Ces mémoires coordonnés, condensés, seraient la meilleure oraison funèbre des couvens sur le point de disparaître. Ils présentent des témoignages authentiques, établis sur des faits. Nous avons trouvé peu de différence dans les protestations des religieuses demandant à rester, parce que l’expression de ce désir ne peut guère changer de formule. L’exposé de leurs services offre plus de variété, à cause de leur diversité même et de la différence des instituts. Et cependant dans ce plaidoyer, envoyé par chaque communauté à l’Assemblée nationale, que de considérations passées sous silence dans la conviction qu’elles ne seraient pas comprises !