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(maison forte), situé à deux heures au Nord de Mitrovitza et saisir son tchiflik. Lui-même s’enfuit, blessé, et se réfugia dans la Luma (novembre 1908) ; là, dans ces montagnes sauvages, à portée de la frontière monténégrine, il travailla à organiser un parti pour marcher sur Mitrovitza. Djavid Pacha le prévint ; il se mit en route à la fin de mars avec quatre bataillons, deux escadrons et 16 pièces de canon et il vint incendier le village où s’était réfugié Issa ; dans la région d’Ipek, 98 coulés furent jetés bas, et Djavid Pacha publia un ordre interdisant de les reconstruire avec tours et créneaux : ainsi, sous couleur de poursuivre un bey réactionnaire, les Turcs s’attaquaient à toute la féodalité albanaise. Dans une troisième campagne, l’été dernier, Djavid Pacha promena ses troupes à Diakova et dans le pays des Malissores, exigeant le désarmement, imposant, outre la dîme, une contribution supplémentaire de deux dixièmes et demi pour l’armée et les écoles. Le 17 août, 3 000 Albanais, réunis à Ferizovich pour protester contre ces nouveaux impôts, furent dispersés à coups de canon. En septembre, Djavid s’enfonça dans les montagnes de la Luma, sous prétexte que les Lumiotes refusaient de se rendre sans armes au marché de Prizren. Mais, cette fois, les montagnards étaient résolus à une résistance acharnée ; les femmes et les enfans furent envoyés en sûreté à Hassi, et tous les hommes valides restèrent, le fusil à la main, derrière leurs rochers. On était au 25 septembre : Djavid Pacha, après un vif combat et le sac de quelques villages, prétexta le froid et ramena ses troupes à Mitrovitza. Ces expéditions, conduites « à la turque, » avec pillages et viols, dans un pays qui, le premier, avait acclamé le régime nouveau et qui n’avait pas donné de suffisant prétexte à une pareille répression, ont laissé dans toute l’Albanie de profondes rancunes. Tout récemment, des ingénieurs français, chargés d’étudier le tracé de la ligne Danube-Adriatique, ont dû rebrousser chemin. Toute la montagne, d’Ipek à Dibra, est debout, altérée de vengeance, prête à la lutte.

De tous les récens incidens, le plus significatif a été la réunion de Dibra, le 27 juillet dernier. Les Comités albanais des vilayets de Macédoine ayant décidé de tenir à Dibra une réunion générale, la première depuis celle de 1908 à Ferizovich, le Comité Union et Progrès chercha à la faire tourner à son avantage, en lui donnant un caractère d’intérêt non plus seulement albanais, mais général. Sur ses instances, toutes les communautés