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Macédoine, s’enfuit à Gorfou et de là en Europe occidentale, puis il revint à Janina où son influence est très grande et d’où il entretient des intelligences dans toute l’Epire et l’Albanie ; entre les Tosques et les Jeunes-Turcs l’entente est virtuellement rompue. Les fonctionnaires ottomans, pris entre l’irrédentisme grec et le nationalisme schkype, sont dans une situation très difficile ; hors des villes, leur autorité est à peu près nulle.

Dans le vilayet de Monastir, la propagande albanaise, à la suite du congrès linguistique dont nous avons parlé, devint très active. Des agens parcouraient les campagnes, engageant les paysans à réclamer l’enseignement de l’albanais dans les écoles et l’usage de l’albanais dans les mosquées ; les membres albanais du Comité jeune-turc appuyaient eux-mêmes cette propagande. A Koritza, les paysans chassent le gouverneur parce qu’il n’est pas Albanais ; à Koritza et à Castoria, ils exigent l’usage de l’albanais dans les tribunaux. Un rapprochement s’opère entre les élémens bulgares, albanais et valaques pour faire front ensemble contre l’hellénisme.

Dans le Nord, dans la région de Mitrovitza, de. Prizren et d’Ipek, les événemens prirent une tournure plus grave : ce fut la guerre. Dans ces contrées sauvages, où ne pénètrent ni les Européens, ni même les fonctionnaires turcs, le mécontentement suivit de près la réunion de Ferizovich : la révolution n’était pas ce que les Arnaoutes avaient cru, ce qu’on leur avait fait croire. Ils envoyèrent, dès le 1er septembre, une députation à Salonique pour y signifier leurs exigences : ils voulaient la conservation de leurs privilèges, la cessation du contrôle européen, l’interdiction aux non-musulmans et surtout aux Serbes de porter les armes, aucun changement dans la condition des femmes, la création d’écoles albanaises payées par le gouvernement, enfin le retour à la loi religieuse (le Chéri). Entre de pareilles revendications et le programme du Comité, la contradiction était flagrante. Les Jeunes-Turcs engagèrent Djavid Pacha, commandant de la division de Mitrovitza, à faire, en forces, une démonstration dans la montagne. Nous avons vu qu’à la réunion de Ferizovich, un bey, Issa Boletine, s’était montré irréductiblement opposé aux desseins du Comité ; on résolut de l’en punir, de mettre fin à ses menées anticonstitutionnelles et de lui reprendre le domaine (tckiflik) que le sultan Hamid lui avait indûment octroyé. Un bataillon, avec deux canons, alla détruire son coulé