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M. Touron, a suggéré à son tour un procédé particulier et, cette fois, plus économique pour le versement des patrons. La Commission a demandé à revoir tous ces calculs, à examiner tous ces systèmes qui naissaient sous ses pas à mesure que la discussion se prolongeait, et celle-ci s’est trouvée de fait suspendue. Au moment où nous écrivons, nous ignorons encore dans quelles conditions elle sera reprise.

Cette discussion a d’ailleurs été très sérieuse et très brillante : elle fait honneur à la haute intelligence pratique du Sénat plus peut-être qu’à son caractère, car, sur bien des points, on sent qu’il cède sans conviction, parce qu’il croit ne pas pouvoir faire autrement. La Commission, la première, a beaucoup cédé, mais on ne saurait trop louer le labeur patient auquel elle s’est vouée : la loi est sortie de ses mains infiniment moins mauvaise, moins informe, moins extravagante qu’elle n’était venue de la Chambre et ce résultat est dû entrés grande partie à son président et à son rapporteur, M. Cuvinot. La Commission des finances, elle aussi, a donné avec beaucoup de prudence son avis sur les conséquences de la loi ; elle l’a fait par l’organe de M. Ferdinand-Dreyfus, nouveau venu au Sénat, qui y a pris tout de suite une place distinguée. Quant aux autres orateurs, en dehors de M. le ministre du Travail qui a parlé, il faut le reconnaître, avec talent, convenance et adresse, nous ne pouvons pas les citer tous ; mais il en est trois qu’on ne saurait oublier, ce sont MM. Ribot, Audiffred et Touron.

M. Ribot a fait comme toujours un très grand effet, qui, pour quelques-uns de ses collègues, n’a pas été exempt de surprise. Ils ne s’attendaient pas à le voir se rallier au principe de l’obligation et même pousser le ministère et la Commission en avant : le premier avait plutôt besoin d’être retenu. M. Ribot a annoncé l’intention de collaborer avec le gouvernement dans l’œuvre sociale qu’il a entreprise et dont la loi sur les retraites ouvrières n’est qu’une des manifestations, non pas la seule. La péroraison de son discours, d’une inspiration très élevée et prononcée avec une émotion que le Sénat a partagée, a été couverte d’applaudissemens. Elle le méritait par son éloquence ; mais le principe de la liberté dans la prévoyance, déjà bien malade avant ce discours, en a reçu un coup dont il ne se relèvera pas, et celui de l’obligation en a acquis une force nouvelle. Avec un courage moral auquel on ne saurait trop rendre hommage, M. Audiffred a pris la défense d’une cause évidemment vaincue, mais qui n’en est pas moins bonne ; il a montré que la liberté a produit en Belgique des résultats excellens et importans ; c’est à elle qu’il aurait fallu recourir au moyen des mutualités ; on aurait beaucoup mieux fait par-là l’éducation de