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calme, une sérénité triste, une paix sérieuse et tendre, le sentiment enfin crue le pays basque exprime et communique entre tous, de la solitude et du lointain et, dans l’espace comme dans la durée, de je ne sais quel recul mystérieux.

Tenez, tandis que j’écris, je revois la colline où j’ai passé tout un jour de l’automne, un tiède après-midi de dimanche. Sous de grands arbres, qui s’effeuillaient, parmi les tombes abandonnées, une chapelle est dédiée à la Vierge secourable, à Notre-Dame de Socorri. De temps en temps un pèlerin franchissait le mur bas de l’enclos : un homme au dur visage, une femme, une petite fille, encore vêtue des couleurs de l’été. A travers les barreaux de bois qui ferment le sanctuaire, ils offraient à la Madone des vœux, des cierges et des fleurs. Dans le recueillement de la saison et de l’heure, afin de ne le point rompre, les voix, comme les pas, se faisaient légères et furtives. Des mains ouvertes de la vierge en argent debout sur l’humble porche, la bénédiction semblait descendre avec plus de mélancolie encore que de douceur. En face de nous, la montagne étalait au soleil couchant ses flancs robustes et sauvages. Tout était solitaire et pur, mais sérieux, presque sévère. En regardant, j’écoutais. Des chants, des accords me revenaient à la mémoire. C’étaient ceux-là, ceux-là seuls que je viens de vous dire, et le pays et le peuple basque, les êtres et les choses que je voyais dans les formes et les couleurs, je les entendais, je les reconnaissais dans les sons.


Vous savez que la Tétralogie, ainsi qu’on l’appelle communément, n’est en réalité qu’une trilogie, avec un prologue. Ce prologue, nous avons fini, tandis que peut-être nous aurions dû commencer, par l’entendre. Mais non, les choses, à les bien considérer, sont mieux de cette manière. Ce renversement a ses avantages, sa logique même, et Rheingold est venu prendre dans notre connaissance, — du moins dans notre connaissance officielle, à l’Opéra, — la place dernière, en clef de voûte, que, dans la construction de l’immense édifice, Richard Wagner lui donna.

L’Or du Rhin, tout entier, action et personnel, appartient à l’ordre mythologique : seuls y paraissent les dieux et les déesses, les ondines, les géans et les nains. Les simples mortels, fût-ce les héros, n’y figurent point. Quant au sujet, pris au sens concret et matériel il pourrait se définir à peu près ainsi : la mise en circulation ou dans le commerce, tantôt par le vol et le meurtre même, tantôt par des opérations plus régulières, de l’or, puis de l’anneau fait avec cet or, dont le