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assez, ce que la Pologne la plus irrédentiste redoute à Pétersbourg, ce n’est point la politique qui sert les intérêts russes, mais celle qui sert les intérêts allemands. Enfin elle a un culte classique pour le parlementarisme, et les lois de l’Etat russe votées par des députés convoqués par le Tsar lui paraîtront toujours plus douces que celles que rédige une bureaucratie recrutée dans la féodalité tudesque des Provinces Baltiques.


De la solution du conflit entre la bureaucratie, — plus ou moins germanisée, — de Pétersbourg et la Douma essentiellement russe dépendent non seulement celle d’importantes questions diplomatiques, mais de graves affaires intérieures qui, sans être le sujet de cette étude, doivent être énumérées ici en raison de leur répercussion sur les affaires extérieures. On s’est demandé dans toute l’Europe russophile si l’administration locale de Varsovie s’était préoccupée de réconcilier par quelque bienveillance ou quelque souplesse les esprits que la politique générale, subordonnée à la diplomatie, a inquiétés, angoissés, si elle avait su mettre « le gant de velours » sur « la main de fer, » si enfin elle avait suivi les prescriptions libérales du Manifeste constitutionnel du Tsar.

On constate au contraire que les Polonais sont plus strictement que jamais éloignés des fonctions publiques, même des chemins de fer et de la gestion de leurs théâtres, au détriment des finances de l’Empire. Cependant, l’impôt du sang n’a jamais été payé plus largement par les Polonais, qui furent des héros en Mandchourie, et pour l’ensemble des contributions leur quote-part monte presque au double de celle des autres ; la contribution foncière y est huit fois plus forte que dans l’Empire. Les Juifs paient, outre les mêmes impôts que les chrétiens, celui de résidence (hors du territoire juif), celui des cierges destiné à l’entretien des écoles juives, celui de panier (taxe sur la viande qu’ils consomment) destiné primitivement au culte et servant maintenant aux dépenses publiques. Les indemnités promises, — comme lors de l’établissement du Monopole en 1897, — n’ont pas été versées, ce qui a ruiné 400 000 personnes.

Cependant sur des recettes ainsi réalisées, sur 135 millions d’impôts (au lieu de 31 en 1873), 40 tombent dans le trésor impérial, 48 comblent les dépenses de l’armée et de la dette, 47 sont laissés dans les pays pour les besoins du