Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/690

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

De telles manifestations arrivent à leur heure pour dissiper entre Slaves les malentendus qui ne sauraient être que provisoires. Tandis en effet que les étudians tchèques, Slovènes et serbes abandonnent de plus en plus les universités impériales, en Galicie, le mouvement anti-russe reprend presque toute sa force ; dans le Royaume, pendant la crise récente, la population se promettait de coopérer à l’invasion autrichienne si elle se produisait, sans prévoir qu’elle pût être accompagnée d’une invasion allemande. Le néo-slavisme, qui était en 1908 une arme merveilleuse entre les mains des Russes, se retourne contre eux. En définitive, l’Allemagne pousse en même temps Pétersbourg à s’aliéner à jamais les Polonais, — suscitant contre ce mouvement areligieux les antipathies du Saint-Synode dont l’ancien panslavisme était clérical, — et Vienne a su se les concilier. Le panslavisme, ayant depuis trente ans perdu tout terrain en Autriche à cause des mesures dictées par le Synode en Ukraine, Berlin s’ingénie à en provoquer une renaissance pour compromettre et discréditer le néo-slavisme. Ainsi, grâce à l’habileté de la Wilhelmstrasse et à la condescendance des bureaux de Pétersbourg pour ses avis, le néo-slavisme est-il détourné de sa première inspiration et entraîné à s’accomplir contre la Russie comme le panslavisme avait été organisé contre l’Autriche-Hongrie. Mais, dans le conflit entre la bureaucratie et la Douma il semble que celle-ci doive triompher : les députés russes espèrent voir bientôt le gouvernement prendre de nouvelles résolutions. Déjà les affaires de Serbie ont eu pour effet de faire appeler au ministère de la Guerre le général Soukhomlikof dont le dévouement à la Triple Entente ne peut pas être suspecté ; et l’envoi à Constantinople d’un ambassadeur actif « vraiment russe, » M. Tcharykof, n’est pas moins significatif. Il serait superflu de parler de l’opinion. Elle est tout entière pour la Douma contre la bureaucratie.

Au cas où la Douma aurait raison contre la bureaucratie, il est certain que le conflit actuel entre Polonais et Russes s’apaiserait. Certes, les espérances ne renaîtront point très vives à Varsovie, mais les esprits se détendront, s’occuperont à des calculs ; on y accordera du crédit au régime parlementaire, d’autant plus même qu’il est mitigé et qu’on n’a plus à redouter le communisme agraire de la première Douma. On y sait que la troisième est foncièrement russe ; mais avant tout, on ne le répétera jamais