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faire valoir quel précieux contingent de forces militaires supérieures, bien européennes, elle lui eût donné ? « D’une part, écrit le général L. Mierolawski, la discipline du travail collectif qui, de temps immémorial, a transformé toute commune slave en dépôt de colonie militaire ; de l’autre, cette éducation latine qui tient l’intelligence du paysan polonais constamment entr’ouverte et éveillée, tout concourt à faire des multitudes aussi solides qu’impétueuses d’entre la Baltique et la Mer-Noire, la population la plus promptement militarisable de l’Europe : persévérance slave et vivacité latine. »

Ainsi est-on arrivé à envisager, non sans doute la possibilité prochaine, mais l’idée d’une décentralisation qui s’inspirerait du système appliqué par Beust en Autriche-Hongrie au lendemain de Sadowa. Il serait plus que téméraire de parler de dualisme, quoique l’inégalité même des populations, — les Polonais sont à peine plus nombreux que les Magyars dans un empire beaucoup plus considérable, — le rende peu dangereux. Mais le Tsar sait qu’ils montreraient, dans le, Royaume et dans les provinces annexées, le même zèle que les Hongrois contre les Allemands : or l’autorité a bien assez de russifier les Tartares, les Bachkirs, les Kirghizes et les Sartes, pour ne point parler des Arméniens, des Géorgiens et des tribus caucasiques ; les provinces non russes constituent la moitié de l’Etat : c’est là qu’il siérait de diviser les difficultés pour régner.


VI. — L’OPINION POLONAISE ET LA POLITIQUE DES PARTIS

De leur côté, les Polonais, quelque défians qu’ils soient, n’éprouvent point à l’égard du néo-slavisme les mêmes craintes qu’à celui du panslavisme. Ils pensent qu’après la guerre d’Extrême-Orient, la politique russe a dû se modifier en Europe dans ses vues et dans ses procédés. C’est ce qui a autorisé avec plusieurs autres le président du club polonais à la Douma à prêter son concours sous certaines réserves au néo-slavisme : « Nous sommes, a dit M. Dmowski, à un tournant de l’histoire de notre nation, » nous n’avons plus à lutter également contre les deux empires, mais « notre tâche principale est à l’Ouest, dans la défense contre le germanisme. » Et les députés de Varsovie ont fait acte de loyalisme : « Le mouvement polonais ne tend pas