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Lodz, une grande partie de la population slave se germanise dans les usines allemandes, des ouvriers polonais n’y parlant plus que l’allemand. Dans certains villages, les deniers Polonais entretiennent des écoles allemandes où les enfans n’apprennent que l’allemand.

Dans toute l’Ukraine et la Lithuanie, l’action germanique s’affirme plus nettement anti-russe, n’ayant point à se dépenser autant contre le polonisme. L’Allemand ne parlant qu’allemand, les Slaves apprennent sa langue avec haine, mais ardeur, la masse par nécessité commerciale, l’élite dans l’ambition de conquérir, avec la culture, la méthode ; les étudians vont poursuivre leurs études à Berlin, Breslau, Heidelberg. Selon un grand nombre de publicistes, à l’heure actuelle, la Prusse dépense ses ressources diplomatiques et financières à fortifier le séparatisme petit-russien, notamment en subsidiant les Mazeppins et les Stundistes.


Les inconvéniens que comporte pour la Russie même l’asservissement de la Pologne ressortent des événemens récens. Non seulement, comme l’ont montré les Pétersburskia Wiedomosti, le système de Katkof, limitant les droits des Polonais pour l’acquisition des terres en Lithuanie, n’a contribué qu’à livrer aux Prussiens à bas prix les propriétés, à leur faciliter les coudées franches dans le territoire de l’Empire sur la route de la capitale ; mais des millions ont été engloutis dans la police répressive qui eussent pu servir en Russie aux réformes intérieures. La Pologne, au lieu de fournir à Pétersbourg des hommes d’État et notamment des financiers aussi habiles que les Dunajewski dont Vienne sut tirer si bon parti, ne lui prête que des caissiers et des ingénieurs. Or il apparaît qu’elle eût pu effectivement contribuer à l’organisation « occidentale » de l’Empire, « l’Intelligence, » comme on dit là-bas, y étant plus abondante qu’eu aucune autre région et rompue entièrement aux méthodes d’Occident. Le prince Volkonsky, vice-président de la Douma, a vanté « l’aptitude des Polonais au service de l’État et leur bravoure sur le champ de bataille. »

Peut-être même la Russie n’aurait-elle pas été vaincue en 1901 si, après 1863, elle avait eu l’habileté de traiter la Pologne comme l’Autriche traita la Hongrie écrasée après l’insurrection : des révolutionnaires polonais n’ont-ils pas été les premiers à