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l’écoulement des produits manufacturés. Les paysans, qui auraient avantage à voir le déplacement de la richesse se faire en faveur de la propriété agricole, sont en général ignorans de la question : ils attachent beaucoup moins d’importance à l’autonomie qu’à l’emploi de la langue maternelle dans les écoles et les communes et votent de cœur pour les agrariens. On peut donc dire que le pays légal est sincèrement pour l’union douanière avec la Russie, pour l’entente économique nécessitant le loyalisme politique. Un régime de persécution trop déprimant pour ses forces productives peut seul le détourner de ce programme, car le Polonais est aujourd’hui avant tout positif.

L’habileté du club polonais, à la Douma, est de présenter cet accord économique avec les Russes comme un abandon des revendications d’indépendance, comme une concession ; — et devant un grand nombre des électeurs, c’en est d’ailleurs une réellement, si l’on tient compte du sentiment de la nation. En retour, il demande un self-government limité, terme moyen entre le régime communal d’Allemagne et celui d’Angleterre, voire restreint au régime de zemstvos que la Russie proprement dite possède depuis plus de trente ans. De 1905 à 1908, ces députés étaient tellement persuadés des avantages qu’il y avait pour la Russie à le leur octroyer en échange de leur loyalisme actif devant le danger allemand et le danger révolutionnaire, qu’ils avaient les plus grandes espérances de l’obtenir ; et ils menaient dans le pays une campagne violente contre les révolutionnaires qu’ils taxaient d’antipatriotisme, comme aptes exclusivement à provoquer la rupture entre les Russes et les Polonais et le maintien de l’état de siège. Mais aujourd’hui, ils n’ont guère plus d’espoir ; ils ne caressent plus les illusions, — qui étaient générales et très vives dans tout le pays après l’entrevue de Revel, — que le gouvernement impérial sentirait l’opportunité et l’urgence d’une atténuation du régime en Pologne. Ils sont déconcertés devant les partis d’extrême-gauche qui reconquièrent le terrain perdu dans l’esprit public, et d’autant plus facilement que le maintien de la politique répressive apparaît à tous dû à la pression allemande. Tout au plus espère-t-on encore obtenir, peut-être, pour les villes des conseils municipaux, pour les campagnes des zemstvos où des privilèges seraient garantis aux orthodoxes. En 1904-1905, les communes avaient élu leurs secrétaires, inauguré la discussion des budgets et voté toutes l’introduction de la langue