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En restant ainsi sur le seul terrain scientifique, je suis, beaucoup plus qu’on ne le croit généralement, la tradition montpelliéraine et spécialement l’enseignement de notre grand Barthez.

Barthez, qui symbolise glorieusement notre vitalisme (comme sa statue garde la porte de notre École), Barthez n’a jamais voulu traiter que la question biologique, nous dirions aujourd’hui la question positive ; il s’est toujours refusé à étudier la question métaphysique, laissant ce soin à d’autres.

Il ne pouvait d’ailleurs pas faire autrement. « Érudit de premier ordre, comme dit M. Dastre, collaborateur de d’Alembert pour l’Encyclopédie, » il a introduit la philosophie inductive dans la médecine. Cette méthode, dit Bouisson, « cette méthode rajeunie par Bacon, qui en avait fait un nouvel instrument de progrès, parut à Barthez le meilleur moyen de tirer la médecine du joug des théories où elle se débattait et de la remettre dans le courant naturel des progrès dont les sciences physiques et naturelles donnaient l’exemple. »

Une pareille méthode ne pouvait conduire qu’à des résultats expérimentaux, ne préjugeant rien des solutions métaphysiques possibles. La chose est bien mise en lumière dans le passage suivant de Barthez qui est capital et a en quelque sorte une valeur historique :

« La philosophie naturelle a pour objet la recherche des causes et des phénomènes de la nature, mais seulement en tant qu’elles peuvent être connues par l’expérience. L’expérience ne peut nous faire connaître en quoi consiste essentiellement l’action d’une de ces causes quelconques (comme par exemple celle du mouvement des corps qui est produit par l’impulsion) et elle ne peut manifester que l’ordre et la règle que suivent, dans leur succession, les phénomènes qui indiquent celle cause. On entend par cause ce qui fait que tel fait vient toujours à la suite de tel autre ; ou ce dont l’action rend nécessaire cette succession, qui est d’ailleurs supposée constante… Dans la philosophie naturelle, on ne peut connaître les causes générales que par les lois que l’expérience réduite en calcul a découvertes dans la succession des phénomènes. On peut donner à ces causes générales, que j’appelle expérimentales et qui ne sont connues que par leurs lois que donne l’expérience, les noms synonymes et pareillement indéterminés de principe, de puissance, de force, de