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et des nitrates, et le cycle recommence, les microbes de la putréfaction intervenant à leur tour… C’est comme pour les hydrocarbones, le cercle formé par les végétaux et les animaux : seulement ici, l’air, la terre et les microbes remplacent le soleil.


Ainsi s’affirme dans le monde vivant tout entier, pris dans son ensemble, le caractère qui apparaît en dernière analyse comme le caractère essentiel et primordial de la vie, partout où on la rencontre et quelle que soit la forme sous laquelle elle se présente : l’ordre dans le mouvement, l’unité de but et de fin dans la mobilité (caractère à mettre à côté de l’unité dans la complexité, déjà étudiée).

« La vie en général, dit M. Bergson, est la mobilité même. » C’est parfaitement exact, à condition d’ajouter immédiatement que c’est une mobilité ordonnée.

La matière brute a bien son unité, son individualité si on veut, mais dans l’immobilité. Une pierre reste elle-même, un phosphate ou un chlorure reste lui-même, tant qu’il n’y a aucun changement en eux. Dès que les circonstances physicochimiques qui les ont produits et les maintiennent, changent, ils se transforment et deviennent une unité tout autre : carbonate, eau… Ces changemens exclusivement commandés par les circonstances physicochimiques extérieures n’obéissent à aucune direction autochtone, endogène, venue de l’intérieur du caillou lui-même.

Chez l’être vivant il en est tout autrement ; tant qu’il vit, il change, il se transforme ; c’est un mouvement continuel qui ne cesse qu’à la mort, et, si, au lieu d’envisager les individus, on considère le monde vivant tout entier, on peut dire que c’est le mouvement perpétuel. Mais ce mouvement n’est pas exclusivement commandé par les circonstances physicochimiques extérieures ; il est réglé par une cause intérieure qui maintient l’unité de l’individu et la fixité de l’espèce à travers toutes ces mutations incessantes.

Voilà vraiment ce qui, en dernière analyse, spécifie l’être vivant et le distingue de la matière brute : il est complexe et mobile, tout en restant un et individuel.


Claude Bernard avait très bien reconnu et décrit cette caractéristique de la vie.