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Et l’individu reste alors, non seulement maître du champ de bataille, mais encore souvent garanti par l’immunité contre de nouvelles invasions du même microbe.

Tout l’organisme intervient dans cette grande fonction antixénique, même le système nerveux dont je n’ai encore rien dit et qui est vraiment, dans cette bataille contre l’étranger, le directeur de la résistance et l’organisateur de la victoire.

On se rappelle ces deux sœurs soudées que le docteur Doyen sépara plus tard. Elles avaient été envahies par le bacille tuberculeux, alors que le sang circulait identique, de l’une à l’autre. Elles se défendirent cependant très inégalement contre le microbe : l’une était très profondément atteinte et a peu survécu à l’opération, tandis que l’autre était bien moins atteinte et a survécu plus longtemps.

Cependant, leur circulation était commune, le même sang circulait dans les deux ; il y avait des « ponts » vasculaires qui leur faisaient un seul milieu intérieur : c’étaient les mêmes leucocytes, les mêmes agens de bataille.

Pourquoi se sont-elles défendues si inégalement ? Parce que chacune avait un système nerveux propre, distinct de celui de l’autre. Elles avaient toutes deux les mêmes soldats et une armée égale à opposer au même ennemi. Ce qui différait de l’une à l’autre, c’est le général, le chef, le directeur de la manœuvre, le système nerveux.

Cet exemple fait bien comprendre le rôle du système nerveux dans l’antixénisme : il fait l’unité de la défense, il harmonise et unifie tous les efforts vers le but. Averti de l’arrivée de l’étranger sur un point, il prévient les autres parties de l’organisme, dirige et accumule les renforts sur les points attaqués et faibles ; il dilate les vaisseaux, accumule les leucocytes, arrête ou ralentit la circulation, comme Josué arrêtait le soleil, pour permettre à ses défenseurs d’anéantir tous les microbes ; puis il l’active pour balayer les cadavres et les survivans et ouvre enfin les émonctoires pour assurer la définitive évacuation du territoire par l’étranger.

C’est d’ailleurs là le rôle immense que joue le système nerveux pour toutes les fonctions de l’individu vivant ; c’est lui qui fait l’unité des vies locales et qui les systématise et les coordonne pour la vie générale. C’est le système nerveux qui pré-