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une leçon sur « la Vie des minéraux : » « Le cristal tout formé semble quelquefois se douter qu’il existe un idéal, la symétrie parfaite, l’ellipsoïde du système cubique qui est une sphère ; il le cherche, il s’en approche et, s’il ne peut y parvenir, il triche, il joue la comédie, il se déguise ; tout comme, parmi les hommes, plus d’un s’efforce de jouer le personnage qu’il n’est pas. Le minéralogiste s’en tirera ou ne s’en tirera pas ; les petits cristaux savourent en silence leur gloire usurpée et ne s’inquiètent guère du reste. »

Je ne me permettrai pas de suivre l’exemple de Naville qui qualifie de « bouffon » ce tableau « des cristaux volontairement déguisés » qui « se moquent des embarras du minéralogiste. »

D’un savant comme M. Thoulet l’étude est sérieuse ; mais alors on ne peut considérer la chose que comme une allégorie, une comparaison et ceci est dangereux en science parce que certains peuvent prendre pour scientifique et démontré ce qui ne l’est pas. Ce passage amusant de M. Thoulet n’est pas scientifique, n’appartient en rien à la science positive. C’est de l’anthropomorphisme par en bas comme les positivistes reprochent tant aux métaphysiciens d’en faire par en haut.


La reproduction est aussi un des caractères spécifiques les plus nets de la vie et des êtres vivans : omne vivum ex vivo. Un individu vivant vient toujours d’un autre individu vivant.

Berthelot et tous les chimistes ont réalisé une série d’admirables synthèses. Mais toutes sont « inertes et mortes. » Comme M. Fonsegrive l’a dit très justement, « sans elles la vie ne peut être, mais avec elles seules elle ne peut se montrer. »

Jamais on n’a pu faire, avec des matières brutes, la synthèse d’un être vivant, quelque humble qu’on le suppose dans la série. On se rappelle l’inanité des récens et bruyans essais faits dans ce sens[1].

Il y a un demi-siècle, on croyait à la génération spontanée de quelques espèces inférieures : les expériences mémorables de mon maître Bechamp et de Pasteur ont définitivement ruiné cette hypothèse.

Où trouvera-t-on, dans les transformations de mouvemens physicochimiques, quelque chose qui ressemble à la génération ?

  1. Sur cette question en général et plus spécialement sur les expériences de Leduc, voyez : Peut-on produire artificiellement la matière vivante ? par le docteur L. Perrier, professeur à la faculté libre de théologie de Montauban.