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comme le sucre normal du sang que les lois ordinaires de l’osmose devraient faire passer dans l’urine ; et, même pour la filtration de l’eau, le rein n’obéit pas aux lois de l’osmose et affirme ainsi, en tout, sa vitalité propre, agissante et effective.

De même, quand l’alimentation apporte au sang une grande quantité de sucre, après un repas de jour de l’an par exemple dans lequel on a mangé beaucoup de marrons glacés, si l’organisme obéissait aux seules lois physicochimiques, le sucre devrait s’accumuler dans le sang ; le sang devrait en contenir plus qu’à l’état normal ; le rein devrait éliminer cet excès, et on devrait devenir momentanément diabétique.

Il n’en est rien. L’organisme règle l’apport et la circulation du sucre suivant les besoins de sa consommation, de ses tissus et de leurs combustions. S’il en arrive en excès, comme après le repas de sucreries cité plus haut, certains organes (le foie surtout) transforment tout l’excédent de ce sucre actuellement inutile, le transforment en un sucre de réserve (glycogène) et le fixent dans leurs propres cellules et dans divers tissus. Plus tard, quand les besoins de l’organisme exigent une nouvelle quantité de sucre circulant, les tissus transforment de nouveau ce glycogène (sucre fixe de réserve) en glycose (sucre circulant de consommation). Et ainsi, la teneur du sang en sucre reste toujours la même, quoique l’apport des féculens et des sucres par les repas soit essentiellement intermittent et variable.

Voilà une série de phénomènes vitaux que l’on ne comprendrait absolument pas si on ne voulait appliquer à leur étude et à leur explication que les lois de la matière brute.

Il y a donc une différence entre les phénomènes physicochimiques et les phénomènes vitaux. Peut-on préciser et caractériser cette différence ?


L’ancienne formule reste toujours vraie : chaque être vivant forme un individu qui naît, croît, se reproduit, décroît et meurt.

L’évolution ainsi définie n’appartient qu’aux êtres vivans. On répète souvent le contraire ; mais l’assertion ne me paraît pas scientifiquement établie, pas plus pour les cristaux que pour les pierres.

Déjà Cardan disait au XVIe siècle : « Non seulement les pierres vivent, mais elles souffrent la maladie, la vieillesse et la mort. »

Développant ce mot, qu’il trouve juste, M. Thoulet dit, dans