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l’observateur attaché à sa maison sont aussi nombreuses que le plus souvent insignifiantes. Elles signalent les nombreux visiteurs que reçoit le prince : le duc de Kent, le marquis d’Osmond, le prince de Castel-Cicala, ambassadeur des Deux-Siciles, tout ce qui compte à Londres, ses relations suivies avec l’aristocratie anglaise, ses visites à Windsor, toutes choses qu’il est aisé d’expliquer, mais que l’agent, disposé au soupçon par métier, tient visiblement pour quelque peu suspectes. Il s’étonne notamment du zèle que met l’ambassadeur sicilien à communiquer au Duc d’Orléans les dépêches qu’il reçoit de Naples et paraît ignorer que la duchesse étant Napolitaine, il est tout naturel que ce diplomate soit empressé à lui apporter des nouvelles et des lettres de ses parens.

Le 13 avril, il annonce que l’ambassadeur a reçu de sa Cour un courrier extraordinaire. Les dépêches devaient être d’une très grande importance, suppose l’informateur, car, à leur réception, le prince de Castel-Cicala s’est rendu de suite à Twickenham, où il s’est entretenu, plusieurs heures, avec le Duc d’Orléans, « notre grand ami. » Il y a passé la journée, et n’en est parti qu’à dix heures du soir. « Notre grand ami, escorté par quatre domestiques bien armés, l’a accompagné jusqu’à deux milles au-delà de Richmond, et il est revenu ensuite chez lui, à cheval, avec son escorte. Il était très gai, et pendant tout le chemin, il s’est entretenu très familièrement avec ses domestiques. »

Et à propos du duc de Kent, frère du prince régent, qui habite Kensington, le rapport, après avoir constaté qu’il va très souvent à Twickenham, ajoute :

« La maison du duc de Kent n’est aujourd’hui composée en partie que de domestiques français, tant à la cuisine qu’à la chambre, et même aux écuries. Parmi eux, se trouvent trois lanciers polonais qui ont servi en France sous Bonaparte. Ces domestiques se voient journellement avec ceux de notre grand ami ; ils tiennent entre eux les propos les plus inconsidérés et même les plus insultans contre la famille royale et surtout contre le Roi et Madame. Il est à présumer que les maîtres en doivent être instruits, ces discours se tenant dans les antichambres, les cuisines, et même dans les appartemens.

« Il y a toujours une correspondance très suivie entre notre grand ami et le comte de Liverpool[1] ; il y a eu la semaine

  1. Membre du Cabinet anglais.