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protections sont trop puissantes ; il continue à déchirer le gouvernement et la famille royale en attendant mieux. »

De la teneur de ces notes, il est aisé de conclure qu’elles ne dénonçaient à la police que des choses qu’elle savait déjà. Leur auteur ne voyait rien qu’en surface. De la vie des personnages dont il dénonçait les allées et venues, il n’avait pu observer que les apparences et le dehors, ce qui l’exposait à se tromper. Et il s’était trompé, en effet : le général de Flahaut, par exemple, n’était pas le bruyant adversaire qu’il montrait, « déchirant le gouvernement et la famille royale. » À cette époque, ce jeune et brillant soldat songeait à donner sa démission, à se fixer en Angleterre et à s’y marier. Il courtisait déjà la noble et riche héritière qu’il épousa l’année suivante. Dans ses lettres à sa mère, Mme de Souza, il se plaignait de la malveillance du marquis d’Osmond, l’ambassadeur de France, qu’il accusait de vouloir empêcher son mariage, et de le calomnier auprès du duc de Richelieu. Celui-ci d’ailleurs était fixé à cet égard, la correspondance de Flahaut ayant été ouverte à la poste, et n’ignorait pas que l’ambition du général, résolu à quitter l’armée, se bornait à être autorisé, une fois marié, à aller en France pour présenter sa femme à ses parens. Il y a donc lieu de penser que le rédacteur des notes qu’on vient de lire était un agent de bas étage et qu’on n’accordait qu’une confiance restreinte à ses rapports. Il semble, en revanche, qu’il en ait été tout autrement de celui ou de ceux qu’on avait chargés de surveiller le Duc d’Orléans.


III

À la fin de 1815, alors que, depuis plusieurs mois, les Bourbons étaient réinstallés aux Tuileries, Louis-Philippe d’Orléans n’avait pas encore manifesté l’intention de rentrer en France. Établi en Angleterre, il paraissait vouloir y rester et les démarches officieuses tentées auprès de lui en vue de presser son retour, n’aboutissaient pas. Le gouvernement, je l’ai dit, s’en inquiétait. Il s’en inquiétait d’autant plus que le parti qui s’était formé à Paris sur le nom du prince, le faisait figurer parmi les candidats à la couronne dont Louis XVIII, affirmaient les mécontens, allait être dépossédé. On racontait ouvertement que le ministre anglais, lord Castlereagh, avait fait faire au Duc d’Orléans des ouvertures positives, l’avait fortement pressé de