Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/606

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Ce que furent les conséquences de ces décisions arrachées à la faiblesse du gouvernement royal, durant ces heures calamiteuses, tous les historiens de la Restauration l’ont raconté, et il n’y a pas lieu d’en reconstituer le désolant tableau. Elles laissaient la royauté restaurée en présence de factions irréconciliables : d’un côté, les bonapartistes militaires et civils, qui ne pardonneront pas plus l’ostracisme dont ils ont été l’objet que les exécutions sanglantes dont les plus illustres d’entre eux ont été victimes ; de l’autre, les ultras qui s’exaspéreront de ne pouvoir faire triompher leurs vues et d’être frappés par l’ordonnance de dissolution ; entre ces deux camps ennemis, un centre que les élections tour à tour fortifient ou amoindrissent au gré des circonstances, et un ministère obligé de chercher une majorité tantôt à droite, tantôt à gauche, stigmatisé par la gauche quand il trouve cette majorité à droite, et honni par la droite quand il la trouve à gauche.

Ces difficultés s’annoncent dès que Louis XVIII a repris le pouvoir. La situation est tellement grave et troublée que l’opinion s’accrédite qu’il sera impossible aux Bourbons de continuer à régner. On va jusqu’à prétendre que les souverains alliés, après avoir favorisé la restauration de Louis XVIII, ont reconnu qu’il était incapable d’exercer sa fonction, qu’ils ont décidé sa déchéance et l’expulsion de sa famille, comme l’unique moyen de pacifier la France. D’après ces rumeurs que l’on croirait sans fondement si, parfois, l’attitude des prétendans qu’elles désignent ne les justifiait, l’empereur d’Autriche propose de mettre sur le trône son petit-fils, le roi de Rome, avec l’impératrice Marie-Louise comme régente. L’empereur de Russie songe, affirme-t-on, à son beau-frère, le prince d’Orange, héritier de la couronne des Pays-Bas. On insinue aussi que l’Angleterre pousse le Duc d’Orléans qui réside à Twickenham et qui compte à Paris des partisans. La Prusse semble ne pas se mêler à ces intrigues. Mais, le prince royal de Suède, Bernadotte, étonné qu’on n’ait pas songé à lui, se met en avant et fait agir sous main des agens qui lui sont dévoués. On dit qu’à défaut du prince d’Orange, le Tsar l’accepterait. Cependant, les Orléanistes croient que ce souverain lui préférerait leur candidat.

Ces informations étaient assurément aussi fragiles que