Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/604

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

haineuse, au grand détriment de l’ordre, de la liberté et du repos public, quand se dénoue le triste épisode des Gent-Jours. C’est cette étude que j’ai depuis longtemps entreprise et dont je présente un fragment plus particulièrement consacré au rôle de la police politique française à l’égard des étrangers et des Français résidant hors de France.


I

On sait ce qu’était la France, lorsque, au mois de juin 1815, au lendemain de Waterloo, les Bourbons rentrèrent aux Tuileries. A peine délivrée de la première invasion, elle subissait les horreurs d’une invasion nouvelle, plus dévastatrice que l’autre. Les armées alliées se répandaient sur son territoire et occupaient Paris. Leurs canons remplissaient la cour du Carrousel, braqués sur le glorieux palais des rois. L’empereur de Russie, l’empereur d’Autriche, le roi de Prusse arrivaient derrière leurs troupes victorieuses, annonçant déjà les conditions de la paix onéreuse et humiliante, qu’ils devaient nous imposer quelques semaines plus tard. Un général prussien était nommé gouverneur de la capitale, et les municipalités des arrondissemens étaient obligées de se soumettre à la surveillance d’officiers étrangers désignés par lui. Pour compléter cette mise en tutelle de Paris, les souverains alliés organisaient une police secrète placée sous la direction d’un Allemand, et leurs ambassadeurs, Pozzo di Borgo pour la Russie, le baron de Vincent pour l’Autriche, sir Stuart pour l’Angleterre, le comte de Goltz pour la Prusse recevaient la mission de se former en conférence, afin de veiller de près aux actes du gouvernement. La malveillance et les défiances de l’Europe se trahissaient non seulement dans ces mesures outrageantes, mais encore dans la dureté de l’exécution de certaines d’entre elles, à peine tempérée, en de rares circonstances, par l’intervention bienveillante de l’empereur Alexandre Ier.

En dépit des humiliations infligées à l’orgueil national, les royalistes avaient accueilli les étrangers comme des libérateurs et, par leurs flatteuses complaisances à leur égard, aussi bien que par leurs ardeurs vengeresses contre le parti vaincu, ils s’étaient attiré l’animadversion de l’armée et des masses profondes du pays. Ils n’en tenaient aucun compte. A la tribune de la Chambre, dans les journaux défenseurs de leur cause, dans les salons, ils