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ses colonies. On ne bannira pas le castillan des écoles. Ce serait s’isoler de l’Espagne, qui est, en somme, leur meilleure cliente, — s’interdire toutes relations avec l’Amérique du Sud et les pays où le castillan est parlé. Mais, en employant tour à tour la propagande ou la force d’inertie, on résistera aux influences dissolvantes du régime centralisateur et l’on s’efforcera de convertir la nation à l’activité et à la mentalité catalanes. Le reste viendra par surcroît.

À cause de cette divergence des vues et des efforts, il est bien malaisé de prévoir, dès aujourd’hui, ce qui en résultera. Ce qu’il y a de sûr, c’est que les Catalans sont d’ores et déjà un peuple conscient de lui-même et qui, depuis un demi-siècle, suit un mouvement ascensionnel ininterrompu. Ils ont tout ce qui fait la force des peuples jeunes : la foi en eux-mêmes, la certitude que l’avenir leur appartient, le spectacle exaltant de leurs progrès. Souhaitons que, pour continuer leur marche en avant, ils ne mettent pas une confiance aveugle dans les formules miraculeuses des politiciens. Au fond, le peuple se moque de la liberté et de tout au monde, pourvu qu’on le conduise vers un but qui, de loin, prend, pour lui, les apparences d’un Paradis terrestre. Peu importe la rudesse du conducteur, s’il lui donne le pain avec la gloire. Mais qui conduira les Catalans ?…

En attendant l’heure des grandes destinées promises, les plus sages sont d’avis qu’il est encore préférable de continuer à se ranger sous la bannière constitutionnelle de Sa Majesté Alphonse XIII, par la grâce de Dieu comte de Barcelone et roi de toutes les Espagnes.


LOUIS BERTRAND.