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allemandes, anglaises et américaines, — des revues qui embrassent à peu près toutes les spécialités et toutes les branches du savoir humain, de sorte qu’on peut s’y tenir au courant de tout le mouvement intellectuel de la planète. Auparavant déjà, à la Chambre de commerce, j’avais été émerveillé de l’esprit d’initiative et de progrès qui y règne. Ils ont diligemment organisé un vaste service de statistique, de bibliographie industrielle, commerciale et législative. Ces régionalistes ne sont point encroûtés dans leurs traditions locales, ni confits dans l’admiration béate d’eux-mêmes. Tout ce que l’étranger a de bon, tout ce qu’on peut lui emprunter en fait de réformes et d’innovations pour la plus grande prospérité de Barcelone, y est soigneusement catalogué, étudié et discuté par les gens compétens. Car on ne se borne pas à bavarder ou à griller des puros dans ces cercles si bien aménagés pour les délices de la sieste. A partir de cinq heures, les salles de lecture sont pleines de cliens très absorbés, qui lisent, qui prennent des notes, rédigent des articles ou des mémoires.

J’eus l’occasion de m’y entretenir avec le directeur d’un des principaux journaux conservateurs de la Catalogne. Nous parlâmes de la situation politique de la province et de la situation générale du royaume. Il m’en donna un résumé, et, à mesure qu’il parlait, j’avais la sensation de plus en plus précise de me trouver en présence de ce qui s’appelle « une tête bien faite, » où les idées et les notions concrètes, après avoir été dûment éprouvées, sont classées dans un bel ordre méthodique. A part, de temps en temps, une légère tournure oratoire dans les phrases (mais, nous autres Latins, nous sommes tous nés orateurs ! ) je ne remarquai en lui aucun des défauts qu’on reproche d’habitude à la presse espagnole : ni emphase, ni verbosité, ni développemens creux. C’était un esprit capable de généraliser, et de généraliser solidement. Je lus ensuite quelques-uns de ses articles. Je souhaite à nos grands quotidiens d’en publier souvent de pareils. Par l’abondance et l’étendue de l’information, la variété des connaissances, la multiplicité des points de vue et des termes de comparaison, par la hauteur et la sûreté du coup d’œil, ces articles étaient de petits chefs-d’œuvre du genre : à la fois très substantiels, très modernes, très suggestifs et très bienfaisans. L’auteur connaît certainement beaucoup mieux notre politique, notre littérature et notre sociologie que l’on ne