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les cuivres ciselés, les matériaux, les métaux, les bois les plus rares, les meilleurs et les plus coûteux sont prodigués pour la bâtisse et pour l’ameublement. Et il n’est fantaisie architecturale que ces gens riches ne se permettent. Entre le faubourg de Gracia et le belvédère du Tibidabo, leurs villas se pressent, aussi nombreuses, aussi fastueuses et quelquefois d’un goût aussi déplorable que sur la Côte d’Azur.

Ce luxe des Catalans, par ce qu’il a de sérieux et de massif, rappelle beaucoup celui de nos Lyonnais. Ici comme là, pas de camelote ni de clinquant ! Tout est de bon aloi, solide et fait pour durer ! Avec quelle satisfaction d’amour-propre ils vous montrent leurs maisons, leurs cercles, leurs bâtimens publics ! Le goût inné des Espagnols pour une pompe un peu voyante s’y allie avec un sens très subtil du confort moderne. Les cercles, même ceux de second ordre, sont mieux aménagés et décorés que ceux de nos grandes villes. Rien n’y manque pour la commodité ou l’agrément : ascenseurs, éclairage électrique surabondant, salles de bains et salles de douches, salons de coiffure et de décrottage, bibliothèques, fumoirs munis de sièges profonds comme des stalles de chanoines et monumentaux comme des fauteuils gothiques. Les salles de réunion, sous la profusion des velours et des dorures, ont l’air de salles du Trône. De lourds candélabres d’argent surchargent l’estrade présidentielle, qui, de loin, se détachant sur le fond versicolore des vitraux, vous apparaît coruscante comme un maître-autel ide cathédrale. A l’Ayuntamiento, ils ont deux salles de séances, l’une pour l’été et l’autre- pour l’hiver. L’installation, par son ampleur, est digne d’un parlement. Et je doute fort que le capitaine général ou le gouverneur de la Catalogne ait un cabinet aussi majestueux que l’alcade de Barcelone.

Quand on a recensé toute cette richesse, ou ne s’ébahit plus, le lendemain, à la Plaza de toros, de voir les filles de l’aristocratie déployer, sur le rebord des loges, des châles de Manille, des tapis anciens de drap d’or ou de velours broché, qui feraient la joie d’un collectionneur ou l’orgueil d’un musée.


V. — VERS LA BEAUTÉ

Tout le monde se souvient de ces affiches qui, l’année dernière, couvraient les murs de Paris et qui servaient de réclames