ce qui est pastiche ou contrefaçon. Dès longtemps, les Ramblas ont affiché la prétention d’imiter nos boulevards : prétention par bonheur impuissante ! Mais il y a pis : le parc et le Salon de San Juan sont très manifestement inspirés de nos Champs-Elysées. Il n’y manque même pas, au fond de la perspective, une velléité d’arc de triomphe. La Plaza Real est une réduction, d’ailleurs charmante, de notre jardin du Palais-Royal. Barcelone, comme Paris, a sa colonne de Juillet dans le monument de Colomb, sa Maison dorée, son chemin de fer de ceinture, son Montmartre (qui s’appelle le Parallelo), avec un petit Moulin rouge, où l’on chante en français et où des danseuses un peu lourdes s’évertuent à lever la jambe, probablement par chic parisien. Mais, grâce à la police, les jambes de ces demoiselles sont pudiquement engainées dans des pantalons à larges plis, — et ainsi la morale est satisfaite, sinon la couleur locale.
Hâtons-nous de le reconnaître : ce ne sont là que des fausses notes insignifiantes qui se perdent dans l’harmonie générale. Malgré leur zèle pour la bâtisse et pour l’embellissement, les Barcelonais ont su conserver à leur ville sa physionomie ancienne : ils l’ont agrandie et transformée, sans rien détruire de ce qui méritait de survivre. Et ainsi la Barcelone du passé est restée à peu près intacte au milieu de la ville moderne. Le contraste des époques et des styles ne compromet point l’unité de l’ensemble. Entre toutes ces formes disparates, le trait d’union, c’est toujours la lumière méridionale, qui baigne les surfaces et les arêtes vives et qui les revêt d’une même couleur d’or. Grâce à cet heureux privilège de l’éclairage, les objets et les constructions les plus dissemblables peuvent se juxtaposer sans se nuire. La pouillerie éclatante d’un quartier pauvre ne diminue point la magnificence ou la beauté d’une église ou d’un palais. Chez nous, il me semble que c’est le contraire. Les boutiques de charbonniers et de marchands de vins de la rue de la Parcheminerie, le pavé boueux et continuellement sali de détritus de nos Halles centrales, leurs pesantes arcatures de fer me gâtent, je l’avoue, les entours de Saint-Séverin ou de Saint-Eustache. A Barcelone, les échoppes les plus crapuleuses ne détonnent pas autour de Santa Maria del Mar.
C’est aussi que, dans les pays du Midi, l’art n’est jamais un luxe surajouté à la nature : il la continue, il est comme la floraison suprême de la vie ambiante. Notre art français, lui, a toutes