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BACELONE


I. EXPLICATION LIMINAIRE

Précisément parce que j’arrive à Barcelone, je ne dirai rien ni des événemens qui s’y sont déroulés, l’été dernier, ni des mesures de rigueur que le gouvernement espagnol a cru devoir y adopter et qui ont soulevé un tel tapage dans la presse française et européenne. Personne, en Catalogne, ne m’a parlé de ces sujets, sans que je l’y eusse d’abord invité, et encore m’a-t-on répondu partout, — même dans les milieux socialistes et républicains, — avec cette réserve, ce flegme, cette pondération qui distinguent le caractère catalan. Tandis que, chez nous, toutes les cervelles étaient à l’envers, — là-bas, elles étaient bien tranquillement dans leur assiette. Sans doute, les Barcelonais ne se dissimulent pas la gravité de la crise dont tous ont eu à souffrir, mais ils la considèrent comme un simple accident, une perturbation inattendue et passagère dans la vie laborieuse de leur grande cité, qui en a vu bien d’autres !

Quand on prononce devant eux le gros mot de « révolution, » ils répliquent, en riant, que c’est à Paris et non à Barcelone que la révolution a eu lieu. Si l’on insiste, ils vous donnent à entendre que vous vous mêlez peut-être de ce qui ne vous regarde pas.

Oublions donc nos mouvemens d’humeur, nos indignations inconsidérées ! Barcelone ne doit pas seulement nous intéresser parce qu’elle nous offre un cas horrifiant de pathologie anarchiste et quelle est devenue, bien malgré elle, la Ville des bombes ; ni non plus parce qu’elle est à la fois socialiste, républicaine, régionaliste, conservatrice et même carliste. Tout cela est