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avec grand’raison, dans ses Systèmes généraux d’impôts, M. René Stourm pose cette question : A qui appartiennent les successions ? Nous la posons, nous aussi, et il importerait qu’elle fût résolue. Est-ce, — comme dans les pays musulmans, ce qui a été pour ces contrées la cause de l’arrêt de tout essor, — l’État qui est propriétaire éminent de tous les biens dont les particuliers ont de leur vivant la jouissance et qui, à son gré, peut s’en attribuer, lors de la mort du propriétaire transformé en une sorte d’usufruitier, toute la part qu’il juge bon de prendre, en laissant, par simple bienveillance ou par des considérations d’opportunité dont il est seul juge, le reliquat aux parens du défunt ou aux légataires qu’il a institués ?

Il semble bien que ce soit la théorie qui tende à s’établir : autrement, on ne comprendrait pas ces prélèvemens scandaleux allant jusqu’à 18 pour 100, à plus forte raison les nouvelles surtaxes qui devaient postérieurement s’y ajouter. En adoptant, en 1894, ce tarif extravagant de droits successoraux, l’Angleterre faisait un grand pas, inconscient si l’on veut, dans la voie du socialisme. Aussi, nous faisons remonter la Révolution fiscale, chez nos voisins, à cette loi de 1894.

Telle est la force du virus de l’impôt progressif, quand on a eu l’imprudence de l’introduire dans une législation, qu’il ne peut rester longtemps stationnaire et qu’il s’accentue sans relâche, menaçant de dévorer toute la substance qui est soumise à ses prélèvemens et devant y arriver fatalement si on lui en laisse le temps. A peine arrivé au gouvernement, le ministère britannique actuel, dit libéral, mais en réalité radical-socialiste, remania le tarif progressif établi par sir William Harcourt en 1894 et y ajouta quelques degrés ; l’Estate Duty, le premier des deux droits successoraux britanniques, celui qui frappe la masse successorale, sans considération de la personne de l’héritier et du lien qui le rattachait au défunt, s’arrêtait à 8 p. 100 pour les successions au-dessus de 1 million sterling ou de 25 millions de francs ; on porta le droit à 10 pour 100, à 12 pour 100, à 14 pour 100, à 15 pour 100 pour les masses successorales graduellement plus élevées. C’est là, rappelons-le, le droit qui s’applique en ligne directe ; il s’y joint, pour les collatéraux et les personnes non parentes, le second droit successoral britannique qui va jusqu’à 10 pour 100. Par le cumul de ces droits, la taxe successorale, depuis le mois d’avril 1907 et avant les