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On peut soutenir et nous avons soutenu et soutenons[1], quant à nous, que les droits de succession, quels qu’ils soient, ne devraient jamais prélever plus d’une année du revenu des biens transmis. Autrefois, le revenu était d’environ 5 p. 100, parfois en matière commerciale de 6 p. 100. On ne s’était écarté que modérément de cette limite pour le fonctionnement de ces droits en France dans la première partie du XIXe siècle : les successions en ligne directe payaient 1 p. 100 ; celles entre frères et sœurs, oncles, tantes, neveux et nièces, 6 fr. 50 p. 100, celles entre grands-oncles, grand’tantes, cousins germains 7 p. 100 ; entre parens au-delà du quatrième degré (c’est-à-dire plus éloignés que cousins germains) et jusqu’au douzième (limite des successions ab intestat), le droit était de 8 p. 100 ; entre personnes non parentes, il atteignait 9 p. 100 ; enfin, entre époux, il était de 3 p. 100. On voit que, en ligne directe, la perception était très discrète ; elle restait encore modérée, quoique peut-être déjà trop forte, entre époux et entre collatéraux proches, frères et sœurs, neveux et nièces ; si elle s’accentuait pour les autres cas, elle demeurait, même entre étrangers, dans les limites de deux années de revenu environ. A la suite de la guerre de Crimée, le Trésor ayant de grands besoins d’argent, éleva de 25 p. 100 (2 décimes et demi) tous les droits d’enregistrement ; les droits sur les successions furent accrus d’autant et s’écartèrent de la modération primitive ; cette surtaxe temporaire devint perpétuelle.

En Angleterre, comme en France, les droits sur les successions, quoique confus, étaient assez modérés, jusqu’aux profondes modifications que leur imposa sir William Harcourt en 1894. Une réforme, sans doute, eût pu être utile en supprimant les archaïsmes et en faisant disparaître les anomalies injustes ; un léger relèvement uniforme des droits, quoique prêtant à la critique, eût pu être accepté. Mais le chancelier de l’Echiquier fit voter un tarif progressif des plus accentués, dépassant, dans ses degrés supérieurs et même moyens, les limites d’un impôt et aboutissant à une véritable confiscation.

Les Anglais ont deux droits distincts de succession qui, sauf en ligne directe, se cumulent : l’un est dit Estate Duty et porte sur la masse successorale sans considération de la personne

  1. Voyez notre Traité de la science des Finances, 7e édition, t. I, p. 715.