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ont commis cette énorme faute de désigner les successions comme une proie facile et ample à l’envie populaire.

On a vu plus haut que, en Angleterre, en 1893, à la veille des mesures proposées par sir William Harcourt et qu’il fit adopter malgré une lutte très vive de l’opposition conservatrice, les droits sur les successions produisaient 7 583 000 livres sterling ou 190 millions de francs pour une annuité successorale qui était alors de 5 milliards 500 millions ; la taxe moyenne s’élevait ainsi à 3 1/2 p. 100 environ. Les droits successoraux britanniques étaient très compliqués ; ils tenaient en partie de la législation moyenâgeuse ; d’autre part, grâce au régime assez fréquent des substitutions, une partie de la matière successorale échappait aux taxes. Il pouvait donc y avoir lieu à une réforme ; mais l’on sait que, quand l’Etat se mêle de réformer en matière fiscale, il aggrave toujours la charge.

Les successions sont, sans doute, une base fiscale acceptable. Il est incontestable que l’Etat rend un service en assurant la transmission paisible des biens : il a donc droit à ce qu’on l’en récompense. D’autre part, les successions font apparaître, de la part des avares ou même des gens simplement très économes, des biens mobiliers qui, durant l’existence de ceux qui les ont amassés, ont pu, étant dissimulés, ne contribuer que peu aux charges publiques. À ces deux titres, quoique le second soit plus exceptionnel que le premier, la dévolution successorale peut être imposée. Toutes les législations, cependant, ne l’ont pas admis ; on sait que, à l’heure actuelle, en Prusse, il n’y a pas encore de droit sur les successions en ligne directe : les enfans sont considérés comme des sortes de co-propriétaires des biens du père et l’on ne s’est pas résolu encore à frapper la transmission de l’avoir de celui-ci à ceux-là.

Les droits sur les successions sont, néanmoins, très antiques ; l’Empire romain les appliqua. On connaît la fameuse vicesima hæreditatum, ou perception du vingtième des héritages qui fut due à Auguste. Dion Cassius nous apprend que ces droits portaient sur toutes les successions, tous les legs, toutes les donations pour cause de mort, excepté sur les successions dévolues aux pauvres et aux parens les plus proches. Il semblerait, d’après cela, que celles en ligne directe devaient être exemptées. Pline, en tout cas, a plaidé la cause de leur exemption en des termes très remarquables et qui, après dix-neuf siècles, méritent d’être