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Tel était le régime financier de l’Angleterre pendant la période que l’on peut appeler gladstonienne. C’était une sorte de paradis fiscal. L’importance des taxes locales, toujours très élevées dans la Grande-Bretagne et reposant presque uniquement sur la propriété foncière, jetait seule une ombre sur ce brillant tableau ; elles s’élevaient alors à 715 millions de francs environ (28 508 770 livres en 1892). Mais c’était un chiffre relativement modeste si on le rapproche du niveau atteint depuis.

En définitive, l’homme riche ou aisé, durant cette ère gladstonienne, qui fut la plus brillante de la Grande-Bretagne, n’avait à acquitter que des taxes très modérées ; quant à l’ouvrier, il ne payait quasi rien ; il profitait de tout ce magnifique développement économique, sans y contribuer par aucun sacrifice sérieux. Un membre important et notable du parti libéral, qui fut ministre, M. Fawcett, faisait remarquer que l’absence pour eux d’impôts directs et la suppression de presque tous les impôts indirects, sauf ceux sur l’alcool et le tabac, faisaient que les ouvriers tempérans n’avaient aucun impôt à payer, qu’ils ne contribuaient en rien ou presque en rien aux charges publiques et que c’était là, chez un peuple libre et à suffrage étendu, un spectacle démoralisant, pouvant comporter des entraînemens aux dépenses injustifiées.

Cette réflexion est très juste. Il est permis de penser que, dans cette période qu’on peut presque aujourd’hui regarder comme idyllique, l’Angleterre eût agi sagement en conservant, à des taux très modérés, quelques taxes indirectes sur les denrées qui ne sont pas de toute première nécessité, sur le sucre par exemple, d’autant que, n’étant pas productrice de cette denrée, elle perçoit aisément, presque sans frais, un impôt de ce genre à la douane. Cela eût maintenu, dans la Grande-Bretagne, ce qui est nécessaire en tout pays, des taxes de peu de produit immédiat, mais en quelque sorte d’attente, en vue d’éventualités qui peuvent toujours se présenter chez les nations modernes, même les plus pacifiques et les mieux conduites. Son système fiscal en eût eu plus d’élasticité et de puissance virtuelle.


II. — LES CAUSES RÉELLES ET PRÉTENDUES DES DÉPENSES NOUVELLES

Ces éventualités sont survenues à partir de l’ouverture du XXe siècle ; elles se sont présentées sous deux formes : un