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modérée dans la forme et ne tombe certainement sous le coup d’aucun article du Code. Le bruit court que les auteurs des livres condamnés feront eux aussi un procès aux évêques. Pourquoi l’auteur d’un livre ou d’une pièce de théâtre n’en ferait-il pas à son tour au critique qui l’a malmené ? Où irait-on dans cette voie ? Au ridicule, évidemment. Les instituteurs en ont ouvert la voie et l’ont parcourue d’un seul bond ; d’autres le feront à plus petits pas, si les premiers obtiennent gain de cause. Mais une pareille hypothèse ne mérite pas de nous retenir.

Non seulement il ne faut pas prendre au tragique, mais il ne faut même pas prendre au sérieux l’assignation de la Fédération des Amicales : il faut se contenter d’y voir un nouveau symptôme d’anarchie. L’Université n’est pas encore séparée de l’État, — bien que quelques-uns de ses membres commencent à agir comme un pouvoir autonome, — et si nous avions un gouvernement vigilant, ferme, énergique, ayant un peu du prestige que les instituteurs revendiquent ou, pour mieux dire, de l’autorité sur ses subordonnés, de pareilles excentricités ne se produiraient pas. Ce n’est pas devant les tribunaux qu’on peut discuter utilement de la valeur d’un enseignement ; ils n’ont pas qualité pour en connaître ; ils ne sauraient se substituer aux pères de famille auxquels les évêques ont fait légitimement appel, ou, pour employer un terme plus général, à l’opinion. C’est l’opinion qui jugera en dernier ressort, et les instituteurs n’auront peut-être pas à se louer beaucoup qu’on ait, devant elle, avec le retentissement du prétoire, épluché quelques-uns de leurs livres de classe. Mais ils l’auront voulu.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.