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la neutralité n’est pas observée, et, ne pouvant pas le prouver en citant des leçons orales qu’on déclarerait tout de suite avoir été mal entendues ou mal comprises, ils énumèrent un certain nombre de livres scolaires contre lesquels ils jettent l’interdit. Leur Lettre, dont on a fait et dont on continue de faire tant de bruit, ne va pas plus loin. Ce n’est pas la République qui y est en cause, ce sont certains livres, et dès lors toute la question est de savoir si ces livres méritent ou non le jugement sévère dont ils ont été l’objet. S’ils le méritent, si de mauvais livres ont été effectivement introduits dans l’école publique, non pas par suite d’un dessein prémédité des autorités universitaires auquel il serait absurde de croire, mais par suite d’une coupable négligence de leur part, il faut le dire, les évêques ont rendu un service. À qui ? À l’Université elle-même qui, on peut en être sûr, sera désormais plus attentive et plus prudente. On pousse en ce moment des cris aigus contre les évêques, on déclare qu’on ne supportera pas leur tutelle sur les instituteurs, on s’indigne de leur audace, on se prépare à des représailles, on les annonce. Soit ; mais, au milieu de tout ce tapage, on sent bien qu’une faute a été commise, et on s’arrangera sans doute pour qu’elle ne le soit pas de nouveau. Au surplus, qu’on le veuille ou non, les deux enseignemens se surveilleront l’un l’autre, et se feront valoir l’un au détriment de l’autre ; on aura beau faire, on n’empêchera pas qu’il en soit ainsi ; et ce n’est pas nous qui nous en plaindrons, si cette surveillance réciproque ne dépasse pas la mesure des convenances, c’est-à-dire si elle s’inspire de la tolérance, car alors, les deux enseignemens ne peuvent qu’y gagner. M. Briand, dans le discours dont nous venons de parler, a dit : « Certains hommes allèguent des devoirs de conscience pour justifier leur appel à la désertion de l’école laïque. Mais je suis bien obligé de faire remarquer que l’école laïque n’existe pas seulement depuis que ce pays vit sous le régime de la Séparation ; elle existait aussi sous le Concordat. Comment se fait-il que les adversaires de l’école laïque n’aient pas senti alors les suggestions de leur conscience ? » M. Briand est-il sûr qu’ils ne les aient pas senties, ni suivies ? Avant la Séparation, les évêques étaient gênés pour accomplir des actes collectifs, mais ils n’ont pas cessé de se préoccuper de l’école laïque ; cela s’est vu sous la République, et aussi sous l’Empire, et si M. Briand veut bien remonter au règne de Louis-Philippe, qui s’est écoulé apparemment sous le Concordai, il y verra que les évêques d’alors ont mené contre l’école laïque un combat autrement vif, et nous ajouterons autrement injuste que celui de maintenant. Pourquoi ? Parce qu’à cette époque existait