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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




La Chambre des députés s’est débarrassée du cauchemar que faisait peser sur elle le scrutin de liste avec représentation proportionnelle ; mais l’opération a été aussi mal faite que possible. En toutes choses « il y a la manière, » dit un personnage de comédie dont le mot a fait fortune : la manière de la Chambre n’est pas de nature à augmenter sa considération. Pour se sauver de la représentation proportionnelle sans la désavouer trop formellement, car elle est populaire ; pour se tirer d’un danger immédiat tout en se prémunissant contre une menace à venir ; pour aller aux élections avec le scrutin d’arrondissement actuel, sans fermer la porte à la représentation proportionnelle qui paraît être la solution de demain, la Chambre s’est livrée à une série de désarticulations qui feraient honneur à nos clowns les plus réputés, et le gouvernement l’a aidée de tout son pouvoir dans ces exercices de haute ou de basse école, comme on voudra.

L’anarchie est d’ailleurs dans le gouvernement comme partout, au point qu’on a vu un ministre, M. Millerand, s’abstenir dans un vote où M. le président du Conseil avait posé la question de confiance. La fidélité gardée par M. Millerand à une opinion qu’il avait exprimée en dehors de la Chambre l’honore sans doute : il n’en est pas moins vrai que son abstention à un moment où l’existence du cabinet était en jeu est un spectacle rare et troublant. M. Briand, dans un de ses discours, a dit que la majorité radicale était « effilochée ; » le ministère ne l’est pas moins. Dans le même discours, M. Briand s’est demandé s’il ne serait pas prudent, de la part des ministres, de ne parler désormais que devant la Chambre. C’était se raviser un peu tard. La vérité est qu’il n’y a aucun inconvénient et qu’il peut même y avoir des avantages à ce que les ministres parlent au Palais-Bourbon et ailleurs, à la condition de tenir partout le même langage ; mais s’ils en tiennent, ici et là, de différens et