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« qui, quoi qu’elle ne fût vieille que comme fille et non pas comme femme, avaient de liquides et frais éclairs encore, mais qui devaient être fatigués de leurs rotations enragées, car si j’ai jamais vu tourner, comme on dit, la prunelle, ç’a été à cette dévote-là ! » Il la regrette cependant au moment de publier les Reliquiæ des deux Guérin, parce qu’elle aurait servi les éditeurs : « Elle aurait embouché une trompette haute comme elle, elle l’eût sonnée aux quatre coins des salons de Paris et comme l’archange du Jugement, elle eût réveillé les cadavres. C’est une renommée que nous perdons. It is noxious ! »

Il nous reste à examiner quelle fut l’occasion de la discorde entre ces trois amies de cœur ? Rien ne nous permet de le décider à coup sûr, de reconnaître si Barbey fut autre chose que spectateur et confident dans l’aventure. Notons pourtant que la situation d’Eugénie était délicate : elle avait beaucoup accepté de son amie plus riche et gardait la juste susceptibilité des obligés dont l’âme est sensible et hère. Pour notre part, nous inclinerions à supposer que Mme de Maistre, enfant gâtée, imagination capricieuse, malgré la bonté de son cœur, fort malade de nouveau en septembre 1841 et qui semble avoir été disposée à la jalousie, — car Eugénie dut la rassurer dès le début de leurs relations sur son amitié pour Mlle de Bayne, — que Mme de Maistre, disons-nous, jugea ses deux amies trop liées entre elles et les accusa peut-être de lui cacher leurs commentaires à son sujet. Ces commentaires, elle les supposait un peu sévères désormais de la part d’Eugénie et non sans raison comme nous allons le voir par les notes quotidiennes de cette dernière. Marie se serait sentie refroidie pour Eugénie à la suite de ces soupçons plus ou moins justifiés, et le contraste si marqué de leurs tempéramens aurait alors éclaté au grand jour dans une explication qui devint mortelle à leur amitié.


V

Pour discuter ces faits en connaissance de cause et pour réduire à leurs justes proportions les différentes assertions de Barbey, nous possédons heureusement, grâce à lui, un document de valeur inestimable, le dernier Memorandum d’Eugénie que Trébutien publia en appendice à ses cahiers du Cayla, et qui, bien