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M. le Président de la Confédération Dübs pense nous consoler lorsqu’il nous dit que notre mère l’Helvétie ne pouvait pas donner le jour à deux jumeaux, que pour le moment elle a assez de peine à mettre au monde le Saint-Gothard, mais que plus tard il y aurait des chances pour les jumeaux, le Lukmanier et le Simplon. Je ne puis pas, quant à moi, me satisfaire de cette perspective ; je crois, au contraire, que si l’Helvétie peut enfanter le Saint-Gothard, ses couches seront très laborieuses et qu’elle n’aura guère la force de donner le jour à un nouvel enfant, et [moins encore à deux jumeaux.


Caflisch, prophète de malheur, était bon prophète. Le Simplon n’a pu être achevé que trente-six ans plus tard, en 1906, et s’il était permis, à propos de ces tunnels, de continuer la comparaison du député des Grisons, nous dirions que le Lukmanier ou le Slügen ne sont pas encore tout près de voir le jour ! Nous craignons même que, si les Grisons ne sortent pas de leur isolement politique et ne se résolvent pas à lier solidement partie avec d’autres puissans amis dans la Confédération, on ne les mène de nouveau et ils ne se laissent mener du Slügen au Lukmanier ou à sa variante nouvelle, la Greina. Ballottés entre les projets de tunnels directement italo-suisses et les projets de tunnels aboutissant au Tessin, c’est-à-dire au Gothard, ils risquent d’être encore à la merci de l’intelligente diplomatie des Tessinois…

Les cantons rhénans n’ont d’ailleurs qu’à suivre l’exemple d’énergie méthodique et acharnée que leur ont donné les cantons rhodaniens, conduits à la conquête du Simplon sous la direction tenace et heureuse du canton de Vaud.

Le Gothard l’avait emporté grâce aux appuis financiers et politiques de l’extérieur. Après de très longues et inefficaces négociations avec la France, le Simplon a été exécuté par la Suisse elle-même. C’est à peine si l’Italie y a contribué par une subvention de quelque quatre millions. La force des cantons simplonistes et surtout des hommes d’Etat vaudois, à l’esprit loyal et pratique, a été de s’appuyer sur les Conseils de la Confédération, de lier à leur cause le Conseil fédéral et de déterminer en leur faveur, — par le rachat et depuis le rachat, — la bonne volonté sympathique de l’administration supérieure des chemins de fer fédéraux.

La construction du tunnel du Simplon, entreprise à forfait par la Société Brandt, Brandau et Cie, a été fertile en surprises et en déceptions. La complication des couches géologiques