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intermédiaires, ou plutôt, ce qui les organise de la façon la plus économique et la plus profitable à l’ensemble, ce sont les associations coopératives, surtout quand il y a association des sociétés de production et des sociétés de consommation. La suppression des intermédiaires ne peut être que progressive et ne peut résulter que d’une organisation de plus en plus avancée et savante des associations de toutes sortes, non d’une mesure générale prise par l’Etat démocratique, qui, pour assurer la dite mesure, aurait précisément besoin d’innombrables intermédiaires.

Nous devons conclure que la démocratie avenir ne sera ni le salariat actuel, ni le fonctionnarisme d’Etat, ni le collectivisme. L’initiative individuelle-, les coopératives et les syndicats, les diverses espèces de contrôle municipal ou de contrôle d’Etat, resteront également nécessaires pour l’organisation industrielle et sociale des démocraties. Sous leurs apparentes oppositions, ces diverses formes d’organisation ont un même objectif : trouver des conditions qui assurent, dans tout produit et dans toute valeur, la légitime part de la société et la légitime part de l’initiative individuelle. La justice protectrice, préventive et réparative, voilà le but auquel il faut toujours revenir ; la justice distributive ne doit être que la conséquence spontanée du progrès de toutes les autres justices.

Ceux qui ont la conscience des droits universels en ont aussi, par cela même, la garde : ils doivent s’unir pour la défense de ces droits et s’opposer à ceux qui les compromettent. Loin de se décourager, ils doivent considérer l’espérance comme un devoir. Ce n’est point d’en bas, c’est d’en haut que peut venir le mouvement de régénération, l’effort premier contre les maux dont souffrent les démocraties. La tâche la plus importante incombe aux minorités les plus éclairées. Qu’elles se persuadent bien que leurs devoirs augmentent sans cesse, augmenteront toujours à mesure qu’elles les accompliront mieux. Et peut-être la masse leur sera-t-elle de moins en moins reconnaissante du devoir accompli. Est-ce une raison pour s’y soustraire ? Ce n’est pas par intérêt pour nous que nous devons faire le bien de tous. Le progrès même de la justice nous oblige à plus de justice encore.


ALFRED FOUILLEE.