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LES
LES ERREURS SOCIOLOGIQUES ET MORALES
DES DÉMOCRATIES

On sait qu’Auguste Comte, à l’exemple des anciens, regardait la politique comme une véritable science. Le gouvernement est une application des lois générales de la sociologie à telle nation donnée, dans telles circonstances historiques. Un des principaux hommes d’État de la troisième République, Gambetta, ne faisait que se souvenir des vues d’Auguste Comte lorsqu’il caractérisait ainsi la politique de l’avenir : « Il viendra un jour où, ramenée à son véritable rôle, ayant cessé d’être la ressource des habiles et des intrigans, renonçant aux manœuvres déloyales et perfides, à l’esprit de corruption, à toute cette stratégie de dissimulation et de subterfuges, la politique deviendra ce qu’elle doit être, une science morale, expression de tous les rapports des intérêts, des faits et des mœurs, où elle s’imposera aussi bien aux consciences qu’aux esprits et dictera les règles du droit aux sociétés humaines. » Certes, la science n’est pas tout dans la politique, puisque celle-ci implique l’art. Il n’en est pas moins vrai que l’art doit être soumis à des règles. La science morale doit déterminer le but à poursuivre, qui est la justice ; la science sociale doit trouver les moyens et faire pour les peuples ce que l’astronomie et l’hydrographie font pour les navigateurs ; ceux-ci, grâce aux astronomes, ne prévoient-ils pas souvent les tempêtes et n’évitent-ils pas parfois les naufrages ?

Gouvernement de la nation par la nation, la démocratie