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plus modestes. Un hectare planté en bananier, donnant près de 100 000 kilogrammes de fruits, suffirait à nourrir 90 hommes par an, avec une ration de 3 kiloprammes par jour, coûtant sur place 7 à 8 centimes. Voilà qui, sans aller jusqu’à la pilule chimique prédite par Berthelot, ouvre de singulières perspectives sur la capacité de rendement de notre planète et sur l’alimentation possible d’une humanité cenluplée.

VI

Les vins, pour le plus grand nombre des Français, ont changé de goût, de prix et de provenance, parce que la culture de la vigne se localise, que les crus renommés sont presque tous modernes, et que les bourgeois d’aujourd’hui conservent leur vin en bouteilles tandis que les seigneurs d’autrefois le buvaient à la pièce.

Le vignoble de Choisy, apprécié par Philippe-Auguste, celui de Coucy en Picardie réservé pour la bouche de François Ier, celui d’Argences aux environs de Caen, qui fournissait au xviie siècle tout le voisinage, ceux des environs de Paris, de Gonesse, de Montmorency, de Sèvres ou de Suresnes, chantés par les poètes du moyen âge et qui n’avaient point, disait un auteur sous Henri IV, « l’inconvénient d’occasionner des obstructions ou des humeurs comme ceux de Bordeaux, » tous ces crus ne sont plus qu’un souvenir. Le Prispartout, « gloire du Vendômois » au xvie siècle, où l’Auvernat, « si noble qu’il ne peut souffrir l’eau, » étaient déjà fort dédaignés sous Louis XIV, si l’on en croit les vers où Boileau parle

D’un Auvergnat fumeux qui, mêlé de Lignage,
Se vendait chez Crenet pour vin de l’Hermitage,
Et qui, rouge et vermeil, mais fade et doucereux,
N’avait rien qu’un goût plat et qu’un déboire affreux.

L’Hermitage, vendu 7 francs la bouteille sous Louis XV, est, avec le Beaune, la seule des illustrations viticoles respectées par le temps. Sans porter le nom d’un cru déterminé, certains « bourgognes » à 300 et 1 000 francs l’hectolitre aux xiiie ou xvie siècles, atteignirent des prix supérieurs à ceux du Chambertin, de la Romance, du Montrachet au xviiie siècle ou de nos jours.

C’est dans les Flandres que nous trouvons au moyen âge ces types exceptionnels de la Côte-dOr, et c’est encore en Belgique