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à la volaille classée, sous cette rubrique, chez nos marchands. C’étaient de chétifs paquets de plumes et d’os, comme ceux que l’on vend encore 1 fr. 25 la pièce, au printemps, en des campagnes reculées. Il en fallait beaucoup pour représenter un sujet doté d’un certain embonpoint. Ils coulaient le même prix que les pigeons de colombier, auxquels du reste ils étaient assimilés dans les menus. De même existait-il entre les prix du simple chapon, et ceux du « chapon gras, » une distance si grande qu’elle nous révèle, par comparaison, la rareté des uns et la médiocrité des autres. Il était évidemment moins onéreux de « chaponner » un coq que de l’engraisser. Au xiiie siècle, et jusqu’en 1380, il n’est fait mention que de poules et chapons simples dont le coût oscille de 0 fr. 80 à 4 francs. Ces différences pouvaient tenir à l’état de l’animal et aussi à sa race : livrées à elles-mêmes, sans aucun souci de sélection, les races de volatiles domestiques dégénéraient au point qu’une poule « bonne et raisonnable » valait sous Louis XIV 3 fr. 50, alors que les poules ordinaires ne coûtaient pas plus de moitié.

Quant au « chapon gras, » c’est à des prix inconnus de nos jours, à 14, 18 et jusque 25 francs que nous le voyons vendre au moyen âge, la même année et dans la même ville où les vulgaires poulets se vendent de 1 fr. 20 à 2 francs. Ce dernier prix était, sous Henri IV, le coût moyen de la « poule au pot » que ce prince souhaitait à chacun de ses sujets le dimanche. Mais cette poule, assez voisine des poulets à 1 fr. 30 de l’époque, n’avait rien de commun avec les chapons gras qui se vendirent 7, 9 et 12 francs au xviie siècle et sous Louis XV.

De sorte que, depuis les siècles passés, la volaille de luxe a plutôt diminué de prix, et que les volailles ordinaires ont grossi de volume. Elles ont aussi augmenté en nombre ; à Paris, depuis cent ans, la consommation de chaque habitant a triplé. Pour le gibier, l’accroissement n’est pas moins rapide : les entrées dans la capitale sont passées de 400 000 kilos en 1850 à 2 800 000 kilos aujourd’hui.

Le gibier ne représente d’ailleurs que le dixième de la volaille ; et il serait erroné de conclure de sa multiplication sur le marché parisien à son développement analogue sur le reste du territoire ; la création des chemins de fer a permis à la province de multiplier ses expéditions aux Halles, et les importations de l’étranger y tiennent une place égale à celle de la chasse ou du braconnage