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Compagnie franche du régiment lyonnais. » Or, pendant ce temps, durent toujours dans les séminaires les associations cléricales dont nous avons parlé plus haut : celle de Carcassonne dure au moins jusqu’en 1749, celle de Cahors jusqu’en 1750 ; celle de Marseille ne se fonde qu’en 1773, celles de Toulouse et de Bordeaux paraissent vivre jusqu’en 1791. Il n’est donc pas défendu de supposer que la Compagnie du Saint-Sacrement, soit sous sa forme pure et primitive, soit sous des formes dérivées, persista jusqu’à la Révolution[1].

Pourrait-on même conjecturer qu’elle se continua dans le XIXe siècle ?

On voit ce qui pourrait nous induire ici en tentation d’hypothèse. C’est peu après le moment où les dernières petites traces documentaires de la Compagnie du Saint-Sacrement se perdent, qu’apparaît, — 1800-1801, — la fameuse « Congrégation. » Son fondateur[2], le Père Jésuite Delpuits, né en 1736, était de ce pays d’Auvergne, où la Compagnie du Saint-Sacrement avait jeté de fortes racines. Son premier compagnon, Régis Buisson, était de Lyon. D’autres congréganistes célèbres de la première ou seconde génération, Frain de la Ville-Gonthier, Louis Fizeau, Maisonneuve, Besnier, Laennec, étaient de Rennes ou de Nantes, où il y avait d’activés « compagnies de M. de Renty. » Le célèbre Père Roger, le marquis de Choiseul-Beaupré, congréganistes militans, étaient tous deux pénétrés des souvenirs religieux de l’ancien régime. La « Congrégation » naissante n’a-t-elle pas pu trouver dans ces survivans du XVIIIe siècle des traditions instructives, d’impressionnans souvenirs de propagande à la fois audacieuse et prudente, des exemples propres à encourager l’effort de la renaissance catholique, dans un milieu peu favorable, et sous des gouvernemens gênans, alors même qu’ils étaient, comme celui de Napoléon, théoriquement favorables à l’idée religieuse ?…

Seulement, il paraît bien que la Congrégation de 1801, dans la pensée de son premier fondateur, n’était qu’une restauration discrète, mais point secrète (au moins jusqu’en 1808) des réunions de prière, d’avancement spirituel et de préservation morale à l’usage surtout des jeunes gens, fondées par les Jésuites au

  1. A Poitiers, une des œuvres de la Compagnie du Saint-Sacrement, une sorte de Conseil charitable, subsista, je crois, jusqu’à la veille de la Révolution.
  2. On connaît l’intéressant livre de M. de Grandmaison, la Congrégation p. 1889, auquel je me réfère pour la plupart des détails qui suivent.