Page:Revue des Deux Mondes - 1909 - tome 54.djvu/221

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

combattent sous-main dans ses projets de croisade contre le Turc. Ils prétendent se passer de lui dans le règlement des affaires du Jansénisme. Dans le conflit de la Garde corse, ils prennent aveuglément parti pour le plus emporté des ambassadeurs, le duc de Créqui, et ne cherchent, comme lui, qu’à « pousser les choses à l’extrême. » En 1663, le Pape tardant à se soumettre, le vice-légat est renvoyé d’Avignon, le Comtat Venaissin réuni à la couronne, une grosse armée va envahir les petits Etats pontificaux, tandis qu’à Paris, toute l’année, dans les gazettes, une campagne officielle « d’invectives ouvertes » est menée contre Alexandre VII et sa famille avec une « âpreté » étudiée dans l’outrage… Et cette conduite, tour à tour violente ou perfide, toujours hostile et injurieuse, du « roi très chrétien » à l’égard du chef de la chrétienté, est acceptée en France avec docilité. Cependant, de 1662 à 1664, quelques signes de mécontentement paraissent. Des catholiques clairvoyans et loyaux commencent à s’émouvoir, à s’indigner de « cette manière peu noble de se venger de Rome. » A la Cour même, Lyonne est entrepris par des seigneurs sur « sa brutalité » systématique « avec les prêtres. » Or, de qui viennent, contre lui et contre Colbert, ces critiques ? Lyonne l’écrit lui-même : d’une certaine « Cabale des bigots » qui a des amis parmi les maréchaux de France et les courtisans amis du Roi. Et cette « cabale, » non seulement, comme il le répète, elle « murmure » d’une façon qui l’impatiente, mais, ainsi qu’il doit le savoir, elle intrigue. Dès l’avènement de cet Alexandre VII que Mazarin, Hugues de Lyonne, et Louis XIV haïssent comme leur ennemi personnel, la Compagnie du Saint-Sacrement s’est hâtée de se mettre en relations avec lui. En 1657, puis en 1659-1660, elle a tâché de s’implanter à Rome. Elle y a un agent, Brisacier. Elle y fait dire qu’elle « n’a rien plus en recommandation que la soumission et l’obéissance au Saint-Siège. » Aussi bien, à Paris, elle se trahit comme foncièrement ultramontaine[1]. Quand la logique protestation des consciences catholiques contre l’étrange politique romaine de Louis XIV se fait jour, — quand en Sorbonne quelque bachelier ou quelque président de thèse osent défendre, dans une soutenance, « des sentimens un peu moins durs » à l’égard du Pape (mai 1663), — quand des docteurs

  1. Voyez R. Allier, la Cabale des Dévots, p. 365-383 ; Ch. Gérin, Recherches historiques sur l’assemblée de 1682, 2e édition, p. 521, 524 et passim ; le P. Rapin, Mémoires, éd. Aubineau, t. III, p. 195 et passim.