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affaires de l’Eglise, » soin principal de sa royale fonction. Ceux-là ne feront pas faire à Anne d’Autriche, comme Mazarin, des « nominations » ecclésiastiques insuffisamment « pesées au poids du sanctuaire : » car ils ont dans les mains, — elle pourra les « prendre par avance, » — des mémoires sur les gens de bien du royaume auxquels on peut confier les bénéfices. Ces hommes pieux dont les archives sont si pleines de dossiers précieux pour une épuration du Clergé français, ressemblent vraiment à ceux du Saint-Sacrement. — En outre, poursuit Olier, ce qu’apprendront à la Reine ces meilleurs conseillers, c’est à consacrer sa puissance souveraine à l’exécution d’un programme singulièrement conforme, pour ne pas dire identique, jusque dans les termes, aux statuts de la Compagnie du Saint-Sacrement : « détruire les vices et crimes publics, comme sont les duels, les impiétés, les blasphèmes et autres maux semblables, » « faire partout les grands biens. »

L’année suivante, Olier revient à la charge au moment où Anne d’Autriche se laissait voir disposée à rappeler Mazarin. Sur un ton d’autorité, presque de menace, il lui montre l’opinion publique soulevée contre le ministre ; il lui conseille de céder, par une sage condescendance, à cette « opposition » du peuple, qui est le signe de l’ « opposition » de Dieu. Et voici que, de nouveau, ces admonestations pieuses se concluent en une offre de personnes : Olier assure la Reine que « Dieu lui tient en réserve, » non plus seulement un nouvel ensemble de conseillers plus purs, mais un ministre, puisqu’il lui en faut un. Apparemment tiré de cette élite sainte dont Olier a bien l’air d’être le plénipotentiaire, ce ministre méritera non seulement « l’approbation » et la « révérence des peuples, » mais le concours puissant de ces « fidèles serviteurs » du Roi, aujourd’hui plongés dans la tristesse à la vue de la « désolation » imminente « du royaume et de la religion[1]. »

Si l’on ajoute que cette « désolation » de la religion et du royaume, des pamphlets nombreux la criaient alors au public ; — que de ces pamphlets, quelques-uns, et ceux-là d’une assez chaleureuse et vigoureuse éloquence, étaient rédigés, nous l’avons vu, par la Compagnie du Saint-Sacrement de Paris, et

  1. Quel était ce candidat, offert par Olier à Anne d’Autriche ? Peut-être « le milord Montaigu » dont il fut question fortement en 1660 pour succéder à Mazarin. Peut-être Lamoignon, comme on le verra plus loin.