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humains, lui qui a dit, maintes fois, de si bonnes et de si graves paroles, devons-nous admettre que, de gaieté de cœur, et spontanément, et si souvent, durant ces années de la Fronde, il ait oublié et démenti ces beaux principes de mystique neutralité ? Et si l’on conjecture qu’ici M. Vincent se faisait, par obéissance, par devoir, l’agent d’autrui, ne répugnerions-nous pas quelque peu à voir en lui soit un instrument de Retz ou de sa coterie, soit, comme le croyait Mazarin, un pieux fantoche aux mains de la duchesse d’Aiguillon ?… L’existence de la Compagnie du Saint-Sacrement résout peut-être ce petit problème, et nous soulage de ce scrupule, si nous osons supposer que saint Vincent de Paul fut, dans l’ordre de la politique, comme il paraît l’avoir été souvent dans l’ordre de la charité, le bras visible des dévots « invisibles. »

D’autant qu’à ce moment, Olier travaillait, dans le même sens que lui, à la Cour et parmi les grands.

Lui aussi, Olier, il est en bons termes avec la famille de Condé, dont la fierté remuante fait que Mazarin regarde toujours du côté de Chantilly avec crainte. Lui aussi, il est en relations avec le Duc d’Orléans, sur qui, en 1655 encore, il compte pour « soutenir l’Eglise et la relever de ses ruines. » Même, afin de tenir sous sa main ce prince « inconstant et variable, » il avait mis auprès de lui trois personnes : un ecclésiastique, un gentilhomme, et une femme, Mme de Saujon, à laquelle il demande, « encore que le prince la poursuivît de ses assiduités, » de demeurer auprès de lui, pour le conduire.

Lui aussi, en 1651, avec la même animosité que saint Vincent de Paul, il s’efforçait de chasser définitivement du cœur d’Anne d’Autriche, et du pouvoir, le cardinal « simoniaque » et « sacrilège. » Ecrivant, peu après le deuxième départ du Cardinal, à la Régente, il l’en félicite plus qu’il ne l’en console : « Souffrez, madame, avec amour et joie, » la retraite de la personne « que Dieu vous ôte, » afin de « purifier la fin de votre régence, » et de « vous renouveler dans les premiers désirs que vous aviez, en y entrant, d’aider son Eglise et de le faire régner. Dieu ne veut pas que votre âme se compromette davantage. » De plus, à la fin de cette exhortation sévère, Olier indiquait très nettement à la Reine mère qu’un groupe de conseillers nouveaux était tout prêt à succéder à Mazarin : « vrais serviteurs de Dieu, » ceux-là, avec qui elle pourra, en toute sûreté, « examiner les