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On peut en effet se demander quelle est, parmi ces qualités, la plus difficile à réaliser. S’il s’agissait de déterminer la valeur technique des ingénieurs, c’est ainsi qu’on devrait procéder, et on proclamerait la supériorité du constructeur qui aurait su douer son appareil des propriétés dont la réalisation était la moins facile. Mais il ne s’agit pas pour nous de donner des prix à des ingénieurs ; nous voulons savoir quels sont les navires aériens qui possèdent les plus grands avantages au point de vue de leur application pratique. En choisissant parmi leurs qualités diverses, nous ne nous demanderons donc pas quelles sont les plus difficiles à obtenir, mais quelles sont les plus désirables en elles-mêmes. On pourra ensuite rechercher si les qualités les plus désirables sont d’une réalisation plus ou moins malaisée : ce sera un point accessoire.

C’est donc au point de vue des avantages pratiques qu’il faut se placer pour établir le jugement. Et le premier point est de ne pas perdre de vue les conditions dans lesquelles, par définition même, se trouve un navire aérien, conditions différentes de celles d’un bateau, ou d’un train de chemin de fer ; on ne peut apprécier équitablement des appareils aussi dissemblables qu’en connaissant les conditions fondamentales de leur utilisation, c’est-à-dire la nature du point d’appui par rapport auquel ils se déplacent ; la terre, l’eau, ou l’air.

La locomotion terrestre met en relations tous les points habitables de la surface de notre planète, pourvu qu’ils ne soient pas séparés les uns des autres par des étendues d’eau impossibles à tourner. Mais, à côté de cet avantage, elle présente un grand inconvénient. Pour la réaliser dans des conditions perfectionnées de vitesse et de puissance de transport, il n’a pas suffi à l’homme de discipliner des animaux, ni de créer de puissantes et d’ingénieuses machines ; cela n’eût pas servi à grand’chose, si entre le point de départ et le point d’arrivée on n’avait préparé le terrain, en construisant des voies de communication qui ont occasionné des dépenses énormes de travail et d’argent. Sans routes et sans voies ferrées, les automobiles et les locomotives seraient impuissantes. Cela est tellement vrai, qu’à l’époque actuelle l’importance et la perfection des voies de communication sont considérées comme le principal critérium de la civilisation matérielle, et là où ces voies de communication font défaut, nous ne sommes pas plus avancés qu’on ne l’était au temps de Josué.