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influence sur les ouvriers dépendant de ce département et son patriotisme nous est trop connu, pour qu’il soit permis de douter un instant de ses intentions. Nous n’avons jamais fondé cependant de grandes espérances sur l’efficacité de son institution, et les événemens semblent nous donner raison. La commission mixte, en effet, vient de siéger pendant plusieurs jours au ministère de la Marine ; les membres qui la composent ont été unanimes à reconnaître la nécessité d’éviter, d’une manière absolue, le renouvellement des grèves déclarées ex abrupto. Mais, hélas ! cette sage délibération n’a point produit sur les inscrits l’effet qu’on en attendait, puisque, à la date du 25 septembre, un incident du même ordre que les précédens s’est produit à bord du paquebot Tafna.

Ce navire devait appareiller au bassin de la Joliette, à midi, pour Bizerte et Tunis, avec une cinquantaine de passagers, la poste et cinq cents tonnes de marchandises diverses. Ail heures et demie, les chauffeurs et les soutiers, au nombre de 13, se rendirent auprès du commandant qui se trouvait sur la passerelle et lui signifièrent que si un de leurs camarades, qui n’avait pas fait cause commune avec eux, lors de la récente grève, n’était pas débarqué, ils se verraient dans la nécessité de mettre sac à terre. À cette prétention que rien ne faisait prévoir, le commandant déclara que leur réclamation n’était non seulement pas prévue par les règlemens, mais pas même par l’arbitrage de M. le président Ditte, et qu’en conséquence, il ne pouvait approuver leur décision et leur donner satisfaction. Devant le résultat négatif de leur démarche, les chauffeurs et soutiers décidèrent de déserter le bord, à la grande surprise des passagers, qui ne s’attendaient pas à pareille mésaventure, et le navire n’a pris la mer qu’à 5 heures 30 du soir, après intervention des armateurs et de l’administration de la Marine, mais sans qu’aucune sanction pénale ait été infligée aux inscrits.

On voit par-là que les espérances de M. Chéron ne se sont pas réalisées et que l’institution de la commission mixte n’a pas apporté grand changement au mal dont nous nous plaignons à bon droit.

Une fort regrettable lacune existe d’ailleurs dans la composition de cette commission, puisque aucun représentant des capitaines, des officiers, qui sont aussi des inscrits maritimes, n’y figure. Leur place y est cependant marquée, puisque personne ne